Un changement de carrière a amené Nicolas à se tourner vers la taille de pierre
Envie de créer davantage
Électromécanicien de formation, rien ne prédestinait en effet Nicolas Lannoye au métier de tailleur de pierre.
"Après avoir débuté comme commercial dans la société de robinetterie Grohe – qui allait d’ailleurs me valoir le surnom dont je me suis inspiré pour fonder Grohe Granits – j’ai officié comme technico-commercial dans le milieu des tranches de pierre naturelle et du carrelage pendant quelques années. J'étais donc déjà amoureux de la pierre avant de la travailler. J'aimais toutes ces nuances de couleur, toutes ces textures différentes, avec des pierres polies, adoucies, flammées, etc. Je m'intéressais aussi beaucoup aux techniques de fabrication, aux machines, aux possibilités que pouvaient offrir telles ou telles pierres."
"J’ai alors eu envie de créer davantage moi-même, d’être un peu plus acteur de ma vie. En discutant avec plusieurs tailleurs de pierre, certains ont voulu me remettre leur commerce. C’est ainsi que j’ai atterri dans cet atelier qui était fermé depuis plus de 5 ans. Autodidacte, j'ai créé Grohe Granits sans avoir travaillé pour le moindre patron ou autre tailleur de pierre. La première fois que l'on prend une machine en main, on l'examine deux fois avant de l'allumer, puis on essaie et tout s'est ainsi enchaîné. Au début, j'ai également suivi des formations au Pôle de la Pierre à Soignies, bien que principalement axées sur la pierre bleue."
Redémarrage
"J'ai démarré Grohe Granits en 2017. L'atelier étant resté fermé 5 ans, il a fallu tout relancer. J'ai commencé par vider de fond en comble le petit showroom actuels qui débordait alors d'étagères sur lesquelles on trouvait même encore des piles de tarifs des années '80 (!) et dans lequel je présente aujourd'hui quelques échantillons aux murs ainsi que des accessoires funéraires, tels que plaques, vases, ornements, etc. Puis, je me suis lancé dans l'entretien des machines et leur reprise en main. J'ai également dû effectuer un énorme travail de nettoyage et de réorganisation de tout le site. Avec la construction d’une seconde pièce qui me sert de bureau, cantine, cuisine et sanitaire."
"Il m'a donc fallu quatre ans pour tout remettre en ordre, tout en travaillant, évidemment. La trésorerie, les liquidités constituent en effet toujours le problème des jeunes sociétés. Quand on a un peu d'argent, on avance et on investit, et quand il y en a moins, on paie d'abord les fournisseurs et toutes les factures..."
Fabrication et pose
L'activité principale de Grohe Granits n'est autre que la fabrication pour le funéraire, principalement en granit et marbre provenant du monde entier et sélectionné chez des grossistes, et en pierre bleue provenant de la Carrière du Hainaut. Ainsi que la restauration et réparation de vieux monuments, notamment en pierre bleue, dans les cimetières."
"A côté de cela, je travaille aussi la pierre bleue pour le bâtiment, des seuils, des tablettes, des escaliers. Je réalise aussi de temps en temps des plans de travail de cuisine. L'atelier est bien équipé pour tout ce qui est lourd et nécessite beaucoup de manutention. Outre la fabrication, je me charge évidemment aussi de la pose."
Un parc d’usinage âgé mais fonctionnel
Le site sur lequel le situe l’atelier présente une superficie d'un peu moins de 50 ares et offre des possibilités d'extension future.
"Au niveau des machines, je ne suis pas à la pointe de la technologie car j'ai récupéré les débiteuses qui étaient ici en place, la première pour la pierre bleue et le marbre et la seconde pour le granit et le composite. Je dispose aussi d'une genouillère et d'une ciseleuse, également d'époque. Ensuite, nous réalisons toutes les finitions à la main, avec de l'électroportatif. Si j’ai commencé totalement seul, je suis aujourd’hui aidé par un sous-traitant un peu 'touche à tout' qui a pris goût à la taille de la pierre et par un intérimaire."
"Le parc de machines étant âgé mais fonctionnel, j'aimerais acquérir un centre d'usinage d'occasion, mais il me faudra d'abord apporter certaines modifications à l'atelier pour pouvoir l’installer, et surtout bénéficier de la tension électrique suffisante. Celui-ci me permettrait de réaliser certaines formes plus particulières pour des stèles ou de la cuisine. Et surtout, de décliner mes diverses créations personnelles en différentes échelles en fonction de la taille du monument souhaité."
"Actuellement, il me faut chaque fois refaire des gabarits suivant les proportions, ce qui a également son charme. Tout tracer et réaliser à la main reste un gros travail artisanal, qui ne manque pas d'impressionner les clients qui nous rendent visite."
Personnalisation
Même si la demande de monuments funéraires baisse d’année en année, Grohe Granits peut toutefois compter sur la communauté italienne largement établie dans la région pour lui permettre de faire étalage de toutes ses possibilités de personnalisation. Au niveau des réalisations particulières, on peut ainsi épingler un monument avec un assemblage de cœurs, une stèle avec des gravures de Gilles de Binche ou un portrait laser d’un boulanger sortant ses pains du four. Jusqu’à une stèle en forme de guitare… Tout est possible.
"Et pas qu’en funéraire: entre les deux confinements, un restaurateur de la région m'a appelé pour l'aider à aménager sa terrasse qu'il comptait rouvrir... le lendemain! J'ai trouvé des grosses barriques de vin que nous avons transformées en tables hautes avec seau à champagne intégré, constituées de plateaux de 2 m de diamètre en pierre bleue. Nous avons dû stopper les autres activités en cours pour nous concentrer sur cette réalisation et nous avons livré les matériaux de nuit afin que la terrasse soit totalement opérationnelle le lendemain."
Conseil et écoute
Véritable travail artisanal, toute la finition s'effectue à la main. Les principales finitions sont l'adouci et le poli classique, cette dernière garantissant un entretien moins contraignant au niveau du funéraire.
"Je préfère chaque fois informer le client de tous les avantages et inconvénients d'une pierre ou finition, pour éviter les surprises. Ce rôle de conseil et l’écoute sont très importants dans ces moments intimes que sont les pertes d’un être cher. Les gens cherchent à rendre à celui-ci le meilleur hommage possible avec un monument approprié, qu’il soit classique, original ou marginal. Cela nécessite donc beaucoup d’écoute et de nombreux échanges, le but final étant la personnalisation optimale. Ensuite, la flexibilité et les courts délais (de 10 jours à 2 mois en fonction de la pierre souhaitée, en stock on non) font le reste."
Pas droit à l’erreur
"Créer à partir d'une matière noble et brute et transformer celle-ci en un produit fini, que ce soit pour de la déco, du funéraire, des éléments pratiques comme un escalier, etc., constitue l’aspect le plus passionnant du métier. Il y a toujours des pierres plus chaudes ou plus froides, qui réagissent différemment au sciage... Tout cela apporte son charme au produit et fait que chaque réalisation est toujours différente, même si c'est le même dessin. Et cela procure une très grande satisfaction."
"Par contre, tout est lourd et physique. Il faut faire attention à la sécurité. Quand on manipule une pierre de 500 à 1.000 kg, il vaut mieux prendre 5 minutes en plus pour garantir une manutention correcte et garder ses deux mains. Comme je le dis toujours, au prix des hommes et de la marchandise, on n'a pas droit à l'erreur. D'abord les hommes évidemment (rires)."
La concurrence des pierres asiatiques
"La concurrence avec les produits finis venus d'Asie reste un problème dans le secteur. Même si l’on y trouve aussi de très bons produits. Le granit, c'est la terre qui l'a créé. Ce n'est donc pas parce qu'il vient d’Asie qu'il est mauvais. Le souci, c'est surtout de faire comprendre aux gens la différence entre les pierres bleues belges et vietnamiennes ou chinoises. Car ici, on ne parle pas de la même composition, de telle sorte que ces pierres ne présentent pas le même vieillissement ni la même tenue aux hivers. Tout ce que la terre crée elle-même, elle le crée bien. Après, c'est à nous à l'utiliser à la bonne place de la bonne manière."
Relancer la machine
"Quant à l’avenir, je ne suis pas encore grabataire et je veux donc continuer à développer l'entreprise convenablement, puis on verra bien. Il y a eu un démarrage très agréable, très enrichissant, puis un ralentissement avec le Covid. Maintenant, il faut un peu relancer la machine. Même si cela ne dépend pas de moi…", conclut Nicolas Lannoye.
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