20 ans de Polycaro: les rédactrices en chef ont la parole
Lies Paelinck
A été à la barre du magazine entre 2017 et 2021. Elle approfondissait ses sujets et aimait les interviews intenses. Officiant aujourd'hui comme thérapeute indépendante, il lui arrive cependant encore et toujours de prendre la plume pour relater de bons récits 'humains'.
Comment le secteur se présentait-il à ton époque et quels accents as-tu voulu apporter au magazine?
Je me souviens avoir discuté de l'essor inarrêtable de la céramique avec les 'gens de la pierre naturelle'. Ils y voyaient malice mais avec le temps, ils ont tout de même compris que cela allait de soi. J'ai mis l'accent sur deux aspects: premièrement, le partage du savoir-faire à travers des discussions étoffées avec des maîtres artisans, ce qui a donné naissance à la rubrique 'Tilers & Tools'. Deuxièmement, j'ai cherché à approfondir les interviews, afin de mettre en lumière la personne qui se cache derrière le visage familier dans le secteur. C'est ainsi qu'a vu le jour la rubrique 'Le confessionnal'.
Que t'ont appris les carreleurs avec qui tu as été en contact?
Assez tournée vers la technique par nature, j'en ai appris davantage sur le double encollage, l'étanchéité dans les cellules humides, la désolidarisation, la découpe, etc. Mais ne me demandez pas de le faire moi-même! Respect aux quelques dames qui maîtrisent ce métier, car c'est un travail physiquement pénible, qui met le corps à rude preuve.
Si tu devais choisir une finition, opterais-tu pour la céramique ou la pierre naturelle, et pourquoi?
Grâce à ce secteur, mon cœur a commencé à battre plus fort pour la pierre naturelle. Mais ce que j'ai surtout appris, c'est qu'il faut adapter le choix des matériaux au contexte. Je passe beaucoup de temps dans la cuisine et fais toutes sortes de préparations à base de plantes sauvages et d'herbes: vinaigres, teintures, sels, sirops... Un plan de travail en marbre ne constitue donc pas le choix le plus judicieux. J'aime aussi beaucoup les zelliges marocains faits-main. Ils reflètent encore un véritable savoir-faire artisanal, qui se démarque de les processus de production industriels. C'est ce qui me séduit.
Quel est le reportage le plus chouette que tu as réalisé et quel a été le plus difficile?
Le plus chouette, mais aussi le plus difficile, ce fut l'interview de Julien Vanhollebeke de Stone Consulting. Je savais que Julien venait de se voir diagnostiquer un cancer et qu'il ne pourrait pas le vaincre. Il était délicat d'être le premier à l'inviter à participer à notre nouvelle rubrique 'Le confessionnal' car le 'temps' était à ses trousses... Après quelques hésitations, il a accepté avec joie. Nous avons eu une conversation très chaleureuse, au cours de laquelle nous avons parlé de la vie, de la mort et de la vie après la mort. "Vous êtes la première personne qui réussit à me faire penser à autre chose qu'aux pierres", m'a-t-il dit. Cet entretien a débouché sur une amitié. Le jour où il s'est fait euthanasier, il m'a appelé pour me remercier. Sa voix était devenue méconnaissable. Je n'oublierai jamais ce moment.
Aurais-tu une anecdote qui ne ferait pas tache comme histoire de comptoir?
Au milieu d'une interview avec Eddy et Inge De Smet d'Impex Build EDS, j'ai été prise d'une crise de migraine. Je n'entendais plus ce que me disait Eddy et le côté gauche de mon champ visuel avait complétement disparu. "Eddy. Je ne vous vois plus!", avais-je dit maladroitement à ce moment-là. Je suis toujours reconnaissante à ce brave homme de m'avoir ramenée chez moi ce jour-là. Nous en rions encore et toujours aujourd'hui.
Selon toi, à quoi ressemblera Polycaro lorsque le magazine fêtera son 50ème anniversaire en 2053?
Je n'en ai aucune idée. Malgré toutes les applis d'IA, j'espère seulement que le travail artisanal restera toujours aux mains de personnes en chair et en os. Ne serait-ce que pour préserver la fierté du métier dont peut s'enorgueillir ce secteur.
Comment résumer Polycaro en une phrase?
Une revue professionnelle aussi fière et qualitative que les professionnels qu'elle représente.
Hilde Van Malderen
S'est consacrée à sept éditions de Polycaro, jusqu'à ce qu'une formation complémentaire de scénariste la fasse changer de cap. Une rédactrice en chef qui ne s'en laissait pas compter et qui s'est intéressée aux nombreuses femmes du secteur.
Comment le secteur se présentait-il à ton époque et quels accents as-tu voulu apporter au magazine?
La période Corona n'a pas été évidente. Tout le monde se cherchait un peu. Ce fut aussi une période mitigée. De nombreux Flamands ont commencé à rénover, de telle sorte que le secteur se portait bien, mais dans le même temps, l'énorme augmentation des prix des matériaux et la crise de l'énergie ont entraîné la fermeture des fours parce que la cuisson des carreaux coûtait trop cher. On sentait que le marché était tendu.
Que t'ont appris les carreleurs avec qui tu as été en contact?
L'énorme passion que les carreleurs nourrissent pour leur travail. La plupart de ceux avec qui j'ai parlé se réjouissaient de décrocher des missions 'compliquées' et préféraient la qualité à la quantité. La fierté professionnelle, en effet.
Si tu devais choisir une finition, opterais-tu pour la céramique ou la pierre naturelle, et pourquoi?
Les deux. La Hilde de Polycaro aurait sans doute choisi la pierre naturelle. Mais je suis moi-même passée par des travaux de rénovation importants. J'ai donc du marbre dans ma salle de bains 'parce que c'est tellement beau', mais il m'est déjà arrivé de jurer lors de son entretien. Il est vraiment difficile de le garder magnifique, même si je le traite et le nettoie avec les produits appropriés. Contrairement à mon plan de travail de cuisine en Dekton...
Quel est le reportage le plus chouette que tu as réalisé et quel a été le plus difficile?
J'ai réalisé un de mes premiers reportages aux Pays-Bas, chez Brut172. Il ne s'agissait non seulement du matériau en soi, mais aussi de la manière dont il était utilisé et surtout de l'implication du chef étoilé, Hans van Wolde, dans le choix de tous les éléments. Il s'était même rendu à l'usine, connaissait le processus de fabrication et, pour ainsi dire, avait choisi lui-même ses tranches. J'ai adoré voir cette passion d'un grand chef allant bien au-delà de la cuisine. Même chose au Zilte de Vicki Geunes. Un autre chef étoilé qui avait aménagé son établissement en ayant le sens du détail. C'est vraiment beau à voir.
Selon toi, à quoi ressemblera Polycaro lorsque le magazine fêtera son 50ème anniversaire en 2053?
Je suis quelqu'un qui vit beaucoup dans l'instant présent. Je suis curieuse de le savoir, surtout avec les progrès de l'IA et de la robotique, mais je ne sais pas. Le carrelage sera-t-il posé par des robots en 2035? C'est possible. En tout cas, il faudra moins de force physique humaine.
Comment résumer Polycaro en une phrase?
La passion du métier sous toutes ses facettes.
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