Entretien avec les deux visages souriants qui se cachent derrière Solidor
Pour retrouver les origines du nom ‘SOLIDOR’, il faut remonter plus d'un siècle dans le temps. Il y a longtemps, Remi Dejans, grand-père de l'actuel directeur Emmanuel Dejans et donc arrière-grand-père du fils de celui-ci, Henri Dejans, s’était lancé dans la réparation des pneus de vélo en caoutchouc. C'est ainsi qu’est né le nom Solidor. Remi a étendu son offre de vulcanisation des pneus de vélo aux pneus de voiture. Ces derniers ont finalement fait place à la fabrication de semelles en caoutchouc, notamment, pour les bottines de l'armée. À un moment donné, l'atelier situé derrière la maison de Rémi à Lauwe était devenu si grand qu’il employait jusqu'à 350 personnes. Avec sa vulcanisation du caoutchouc, Solidor était devenu le fabricant et le fournisseur par excellence de toutes les usines de chaussures de la région.
Cependant, à la fin des années 1970, le secteur de la chaussure a connu un solide déclin et l'entreprise Solidor de l’époque a été mise sous concordat judiciaire en 1978. C'est lors de cette même année que le fils de Rémi, le père d'Emmanuel, a décidé de transformer une ancienne machine de vulcanisation en une machine de moulage par injection plastique. Il s’est mis à l’ouvrage à la demande d'un couvreur à la recherche d’une solution pour poser des dalles sur un revêtement de toit plat mais sans mortier. Le moulage par injection du tout premier plot de terrasse sous le nom de Solidor venait de voir le jour!
Emmanuel, quand avez-vous décidé de rejoindre l'entreprise de votre père?
Emmanuel Dejans: "J'y ai grandi quand j'étais petit. Mon père a commencé en 1978 et j'ai rejoint l'entreprise en 1980. J'ai très vite su que je ferais ce choix. Quant à savoir si telle était ma vocation, c’est une autre question. C’est grâce à mon père que j'ai eu cette opportunité, je lui suis donc très reconnaissant. La collaboration père et fils était alors totalement différente de ce qu'elle est aujourd'hui. Les valeurs et normes avec lesquelles nos parents ont été élevés étaient plus rigides, plus hiérarchiques. Aujourd'hui, mon fils Henri et moi ressemblons parfois plutôt à des frères, qu’à un père et son fils. Nous nous accordons beaucoup de liberté l’un l’autre, et je trouve cela important."
Étiez-vous heureux du choix que vous avez posé jadis, alors que vous étiez encore jeune homme?
Emmanuel: "Quand j'ai commencé dans l'entreprise de mon père, je pensais qu’il n’y avait aucune limite. Jusqu'à ce que je revienne les pieds sur terre. Je me suis rendu compte que j’allais devoir travailler et faire mes preuves. Au cours des 15 premières années, je n'ai pas gagné un franc. Tout allait à l'entreprise. Si j’ai dû manger mon pain noir? Assurément. De plus, je faisais tout moi-même: les livraisons, les achats, les ventes, le pilotage de la machine, etc. Le matin, je partais en rendez-vous en clientèle en costume et, une heure plus tard, j'étais dans l'atelier en bleu de travail. Mais avec du recul, cela s’est avéré très important. Lorsqu’on n’est pas actif soi-même dans la production, impossible de vendre pleinement son produit. Il en va encore ainsi de nos jours. Henri a effectué le même parcours: il a aussi commencé dans la production, mais il a avancé plus vite que moi.
Au départ, je ne voulais d’ailleurs pas qu'Henri rejoigne l’entreprise. Ma voie était déjà toute tracée assez tôt et je sais maintenant par expérience que, dans ce cas, on ne fait alors pas assez d'efforts à l'école. Je voulais évidemment éviter que cela se reproduise avec mes propres enfants. Mais lorsque vous vous retrouvez enfant dans l'entreprise bien gérée de vos parents, vous avez l'impression que c’est du tout cuit. La question est de savoir dans quelle mesure vous pourrez vous investir suffisamment pour faire tourner l’affaire à long terme."
Que pensez-vous de cette approche Henri?
Henri Dejans: "J'ai trouvé que c'était une bonne leçon, en effet. Papa m'a dit très tôt que je ne pourrais pas rejoindre l'entreprise, qu'après mes études je devrais chercher une autre voie. Après avoir obtenu mon diplôme en Communication Marketing, j'ai travaillé pour la chaîne d'hypermarchés française Auchan, au service des Achats Internationaux. J'ai encore effectué une maîtrise à Toulouse, puis je suis passé à la mentalité start-up de Deliveroo. J'ai obtenu un contrat temporaire pour mettre en place Deliveroo Courtrai et Knokke. Lorsqu’un collaborateur a alors quitté Solidor, j'en ai parlé avec mon père, car j'avais toujours eu l’envie de rejoindre l'entreprise, mais je ne l'avais jamais vraiment exprimée. C'est ainsi qu’a débuté mon histoire chez Solidor. Initialement, j'ai commencé au planning, ce qui constituait un bon environnement pour se familiariser rapidement avec le fonctionnement de l’entreprise et ses processus. Ensuite, j'ai commencé à assister mon père à la vente et me suis concentré sur le marketing."
Les favoris d’Henri
- Destination de voyage préférée: J’adore le Sud de l’Italie. Je suis allé une fois sur un voilier, la liberté, les îles environnantes... merveilleux.
- Musique préférée: Je n'ai pas vraiment de préférence. J'aime tous les genres de musique, en fonction de la période de ma vie.
- Plat préféré: Le steak au poivre avec frites et mayonnaise maison. Laissez tomber la salade.
- Aime: Les amis et la famille. Aller faire du sport puis prendre un verre.
- Déteste: Les indécis. Et lorsque quelque chose ne va pas vite assez.
- Devise: Sincèrement? Il faudra que j’y réfléchisse...
Comment avez-vous utilisé vos compétences en marketing?
Henri: "Avant, Solidor disposait d’un dépliant en Word ‘fait maison’ de deux pages, sur lequel étaient imprimés nos produits. Lorsque, pendant mes années d'études, j'accompagnais mon père sur les salons internationaux, j'avais parfois honte de distribuer ce dépliant. Papa n’y trouvait rien à redire, mais pour moi, cela faisait très ‘cheap’. Le dépliant ne reflétait pas du tout le caractère innovant qui caractérisait Solidor. Or nos idées innovantes ne passaient pas inaperçues car elles étaient rapidement copiées par les collègues-concurrents. Fallait-il investir du temps dans un branding de qualité ou breveter nos idées? On n'y avait pas pensé à l'époque.
Mon père m’a octroyé beaucoup de liberté pour tester de nouvelles idées. Même si cela ne porte pas toujours directement ses fruits, cela contribue à faire de Solidor une marque fiable avec une histoire forte. Outre le marketing, je m'occupe surtout des ventes à l'étranger, alors que mon père se concentre davantage sur la vente ainsi que la production et prend les grandes décisions."
Les ventes à l'étranger, dites-vous? Pouvez-vous nous en dire plus?
Henri: "Nous exportons actuellement nos produits dans 26 pays à travers le monde, nos principaux marchés étant le Benelux, la France et l'Allemagne. Mais nous comptons aussi des clients dans les Pays Baltes, au Japon, etc. Nos clients sont les négoces de matériaux de construction, les magasins de construction et de carrelage, les négoces de bois.
Mon père et moi pensons qu'il est important d’être toujours présents nous-mêmes sur les stands sur salon. Nous savons ainsi instantanément comment se comporte le marché dans telle région ou tel pays, et ce que les gens recherchent. Une fois que le salon a refermé ses portes, nous nous asseyons souvent autour d'un verre de vin pour discuter et examiner comment intégrer certaines nouvelles idées ou tendances dans nos produits. C'est l'une des forces de Solidor: comme nous produisons à 100% nous-mêmes en Belgique, nous pouvons réagir très rapidement et développer des nouveautés. Mais nos produits sont également appréciés pour le fait que nous pouvons répondre à pratiquement toutes les demandes au moyen d’une gamme simple et facile à comprendre, nos systèmes étant modulaires."
Quelles sont les nouveautés que vous avez développées?
Henri: "La gamme de produits Solidor se compose de cinq modèles de base. Au niveau des innovations de ces trois dernières années, on constate que les produits Structosol, Sticksol et le correcteur de pente automatique rencontrent un grand succès. Vu qu'avec Structosol, vous posez un profilé en aluminium sur vos plots, votre terrasse conserve toujours sa planéité. Le caoutchouc assure également une meilleure stabilité des dalles. Sticksol est également un très bon produit, car la couche supérieure autocollante garantit des terrasses très stables. Enfin, le correcteur de pente automatique mérite également d'être mentionné car il s'adapte automatiquement à la pente de votre terrasse. Même si votre plot est un peu instable, le correcteur compense automatiquement le dénivellement.
Même si nous misons continuellement sur l’innovation, il n’est pas non plus possible de réinventer le plot réglable à l'infini. À l'avenir, nous examinerons donc les possibilités de lancer d'autres produits et solutions connexes. Notre mission consiste en effet à devenir une marque de construction solide.”
Outre l’innovation, qu'est-ce que vous considérez encore comme important?
Henri: "Outre l'innovation au niveau des produits, nous accordons aussi une grande importance au service et à la rapidité. Nous disposons d'un stock permanent et produisons 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Nous accordons également de plus en plus d'attention à l'aspect écologique de nos produits. Le plastique a une connotation négative, mais chez nous, 98% de notre matière première est constituée de regranulats. C’est-à-dire des déchets plastiques industriels qui proviennent toujours de la même source, de telle sorte que leur qualité est également constante. En outre, nos produits possèdent une longue durée de vie, ce qui constitue aussi une donnée importante en matière de circularité. En utilisant des plots, vous pourrez ensuite démonter votre terrasse, retirer vos dalles et les réutiliser dans le cadre d’un autre projet. Vous pourrez utiliser les mêmes plots, et les adapter si nécessaire avec d'autres éléments, car tous nos systèmes sont modulaires."
Les favoris d’Emmanuel
- Destination de voyage préférée: J'aime la montagne. Je trouve les Alpes magnifiques.
- Musique préférée: Coldplay et son titre "The sky is too high" (note amusante de la rédaction: "A sky full of stars" – à la grande joie d'Henri).
- Plat préféré: J'aime bien manger, mais si vous me demandez ce que je voudrais manger avant de mourir... Des carbonnades avec des frites peut-être?
- Aime: Le vélo! J'ai toujours été très sportif. J'aime le vtt et les courses, ainsi que le ski. À côté de cela, la spontanéité des amis et de la famille confère de la valeur à votre vie. J'aime aussi l'honnêteté et que l’on soit correct. Pas trop de fake, s'il vous plaît.
- Déteste: Quand quelqu'un arrive en retard et que je dois attendre.
- Devise: Ai-je une devise de vie? Aucune idée, j'aime les choses simples, en fait. "Keep it simple", telle pourrait être ma devise.
Qu'est-ce qui vous empêche parfois de dormir la nuit?
Emmanuel: "Il m’arrive rarement de ne pas pouvoir trouver le sommeil, mais quand c’est le cas, cela a généralement un rapport avec l'entreprise. Je ne vais pas commencer à parler de géopolitique ou des prix de l'énergie, mais quand même... Les prix de l'énergie qui augmentent de 45%: qui va payer cela, pensez-vous? Le particulier. Au secours. Et puis il y a les Russes qui sont prêts à attaquer l’Ukraine, le coronavirus, la pénurie de matières premières avec les hausses de prix bien connues qui en découlent. Avouez-le, nous vivons à une époque bizarre, n'est-ce pas? Quand tu allumes la télé, tu deviens presque dépressif. De surcroît, cela fait déjà un mois que nous n’avons pas vu le soleil! Mais, malgré toutes ces turbulences, nous avons enregistré une explosion incroyable l'année dernière. Je pense que la moitié de l'Europe a fait aménager une nouvelle terrasse ou une piscine durant les confinements. Par conséquent, nous avons aussi énormément investi: quatre machines de moulage par injection, de nouvelles matrices, un espace de stockage, un auvent, etc."
Quand vous comparez le passé et le présent: quelles sont les plus grandes différences?
Emmanuel: "Oh, tant de choses ont changé! Avant, les dalles étaient posées dans du mortier et, avant cela encore, carrément sur des sacs de sable remplis de stabilisé. Avant, les emballages étaient en carton, mais vu que ces emballages étaient exposés aux intempéries, le carton ne constituait pas le meilleur choix. Aujourd’hui, tous nos produits sont livrés dans des sacs en polypropylène. Avant, nous produisions 15.000 unités par an, mais le marché s'est fortement développé et la concurrence aussi. La construction a elle aussi changé.
Tout va tellement plus vite qu'avant. Avant, on utilisait le télex, puis le fax. Rédiger une offre et l'envoyer prenait une semaine. Aujourd'hui, le client reçoit l’offre dans sa boîte e-mail une minute plus tard. Passer commande s’effectue aujourd’hui simplement en ligne. Nous venons ici en aide au client au moyen d'une calculatrice en ligne afin qu'il sache le nombre d’unités dont il aura besoin. Avant, le client devait encore tenir compte d’un délai de livraison de deux ou trois semaines. Aujourd'hui, nous disposons d’un stock permanent. Le client peut appeler et venir enlever sa commande une heure plus tard."
Enfin, pourriez-vous vous décrire en 5 mots?
Emmanuel: "Ouille. Euh… Je suis, euh... Social…, je dirais? Euh... impatient." (Après un long silence et beaucoup d’hésitations...): "réponds Henri, je ne sais pas." (Tous deux éclatent de rire.)
Henri: "Papa est sportif, jovial et charismatique."
Emmanuel: "Et a-t-il des côtés négatifs?"
Henri: "Tu es vaniteux."
Emmanuel: "Oui, c'est vrai. Et un peu fier. Mais cela, vous ne devez pas l'écrire!" (rires)
Et toi Henri?
Henri: "Dynamique, social comme mon père, flexible, un peu caméléon, perfectionniste voire même parfois un peu autiste.
Emmanuel: "Et têtu parfois."
Henri: "C'est vrai. Mais est-ce être têtu ou persévérant?"
Henri, en quoi ressemblez-vous à votre père?
Henri: "Au niveau de la pugnacité et l’esprit de compétition."
Emmanuel: "Merci, sympa... Mon cher fils."
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