Fabienne Royaux marque le secteur du carrelage de son empreinte marketing
Lorsque vous étiez enfant, était-il déjà évident que vous rejoindriez l'entreprise familiale?
"Enfant, je n'avais pas vraiment une idée précise de ce que je voudrais faire plus tard. Voir mes parents actifs dans l'entreprise familiale a décuplé mon intérêt, mais sans que je l'exprime vraiment. On s'attendait à ce que nous suivions tous les trois les traces de nos parents, mais ce n’était pas perturbant. Je trouvais cela très naturel."
"Aux études, j’ai choisi l’option architecte civil. J'aimais les matières techniques, mais le côté créatif me faisait défaut. Je réfléchissais de manière beaucoup trop pratique. J'ai arrêté et vite compris que je voulais m'orienter vers des études d’ingénieur commercial, une formation très large avec les matières économiques typiques, assez bien de comptabilité, des langues, du droit, mais aussi la connaissance des matériaux, qui me vient maintenant bien à point. Après mes études, j'ai immédiatement commencé à travailler pour mes parents. Au cours de toutes ces années, j'ai également multiplié les jobs de vacances, des jobs sympas mais aussi un peu moins gais, comme coller des étiquettes (rires)."
Quelles valeurs vos parents vous ont-ils inculquées?
"Mon père plaçait la barre haut: il faut travailler dur. Ne vous plaignez pas et ne râlez pas trop, il faut que le travail se fasse. Ma maman travaillait également dans l'entreprise, mais davantage en coulisses. Je pense qu'elle travaillait aussi dur que mon père, mais cela se voyait moins. Bref, une véritable mentalité ouest-flandrienne. Et celle-ci est toujours présente en moi. Si vous voulez obtenir quelque chose, cela ne va pas se faire tout seul. Je suis assez perfectionniste. La différence réside dans les petits détails. Nous publions un magazine une fois par an. Chaque photo, chaque mot, chaque texte doit être parfait. On me dit parfois: mais personne n'y prêtera attention. Je veux cependant que tout soit parfait, même s’il ne doit y avoir, pour ainsi dire, qu’une seule personne qui lira tous les textes. En fait, je devrais mieux définir mes limites, j'en suis consciente. Il m'arrive parfois de cravacher pendant plusieurs semaines, mais à un moment donné, je me dis: "c'est vendredi, il est temps d’éteindre ce PC. Je mets ‘Teams’ en stand-by le week-end et j'ai configuré l'icône e-mail sur mon gsm de manière à ne pas voir le nombre de courriels non-lus. Parce que lorsque je vois une boule rouge avec dix mails non-lus, je ne peux pas m'empêcher de les lire quand même."
Comment décririez-vous votre propre caractère?
"Ayant du mal à parler de moi, j'ai donc vérifié mon profil MBTI. En fait, je suis plutôt quelqu’un d’introverti. Quand je m’implique dans quelque chose, je le fais à fond. Je suis une bosseuse qui veut que les choses soient faites à temps et que tout le monde soit impliqué. Et vu que je veux tellement bien faire les choses, je peux parfois aussi m'énerver, même si cela s'est heureusement beaucoup amélioré ces dernières années. Je réfléchis de façon très analytique et pratique. J'aime résoudre des problèmes et m'investir dans des projets. Mais en privé, je suis beaucoup plus extravertie et plus clairement présente. Lorsque quelque chose ne me convient pas, mes amis ou ma famille le remarqueront assurément. Et je suis très compétitrice. Lorsque nous étions enfants et que je jouais au Monopoly contre Guy et Paul, cela se terminait généralement en dispute, je n’étais donc apparemment pas la seule à avoir l’esprit de compétition (rires). Mais une fois la partie ou le match – car je joue aussi au hockey – terminé, cet esprit de compétition disparaît à nouveau immédiatement."
Vous dirigez l’entreprise avec vos frères. Quelle est votre tâche?
"La gestion opérationnelle des showrooms. Cette tâche comporte de nombreux aspects: veiller à ce que les produits appropriés soient présents et qu'ils soient en ordre, jusqu’au planning des collaborateurs. Jusqu'il y a peu, j'assurais aussi le suivi des ventes, mais nous avons recruté un profil supplémentaire, avec lequel je travaille en tandem. Je me charge aussi de tout le volet marketing. Cela a commencé il y a dix ans avec 5 publicités par an, mais aujourd'hui, cela occupe la plus grande partie de ma semaine de travail. Nous sommes très actifs dans ce domaine car, lorsque nos clients attirent davantage de clients, cela ne peut, en tant que grossiste, que nous être profitable. Nous voulons donner une valeur ajoutée à la marque Tyles et au réseau d'Experts Tyles."
Lors d’une discussion précédente, je me souviens que vous aviez une vision très claire à ce sujet, notamment en ce qui concerne le ressenti.
"C'est exact. Vous pouvez fournir de l’inspiration aux gens en ligne, mais ils veulent tout de même encore et toujours voir et toucher les carrelages. Vous pouvez alors travailler avec des échantillons, mais ceux-ci sont plus pratiques à utiliser a posteriori pour créer des associations dans votre intérieur. Pour faire son choix, cela ne suffit pas. Donc, si vous disposez d’un showroom et que vous y mettez l'accent sur ce ressenti, cela représente une valeur ajoutée dans le processus de choix du client. C'est là que nous pouvons nous démarquer de la vente en ligne. Il arrive parfois qu'un de nos vendeurs vienne me dire qu'un client a vu le même carrelage beaucoup moins cher en ligne. Je connais ces sites web avec des offres vraiment folles, mais je réponds invariablement: si ce client veut faire confiance à une entreprise de Malte, par exemple, c'est son choix. Car c'est cependant chez nous qu'il pourra voir ce carrelage. Nous ne nous laissons donc pas entraîner dans une guerre pour le prix le plus bas. Nous assistons les clients tout au long du processus. Nous voulons leur offrir un service depuis le choix jusqu’à la livraison. Ce que vous n’aurez pas avec une entreprise maltaise."
Vous avez été parmi les premiers à mettre ce ressenti au centre des préoccupations; avez-vous éprouvé des difficultés à faire adhérer tout le monde à cette vision?
"Cela s’est fait étape par étape. Notre premier showroom Superlarge a été le premier à aller dans cette direction. Et nous avons remarqué que cela a été extrêmement bien accueilli. Nous savions dès lors que nous étions sur la bonne voie. Et nous avons donc continué. Il ne s'agit pas toujours d'un showroom complet, cela peut aussi concerner la manière dont vous disposez vos panneaux, les photos qui les accompagnent, l’harmonisation des panneaux entre eux. Le ressenti se passe aussi par les petits détails."
Le monde du carrelage et de la pierre naturelle est encore principalement un monde d'hommes...
"...Oui, mais si vous regardez chez les grossistes, il y a assez bien de femmes. On nous néglige peut-être parfois, mais nous sommes bel et bien là (rires). Parmi les architectes, il y a autant de femmes que d'hommes. Dans notre showroom travaillent aussi davantage de femmes, mais les représentants sont plutôt des hommes, tout comme les magasiniers, les chauffeurs et les poseurs. Je n'ai jamais eu l'impression de devoir faire davantage mes preuves. Mais je le sais: jadis, nous avions ici un comptoir. Vous aviez beau trouver à celui-ci une collègue féminine pouvant s’appuyer sur des années d'expérience et un collègue masculin débutant, les gens du sol posaient toujours leurs questions à l’homme, même s'ils avaient déjà vu la femme à plusieurs reprises. C'était typique. Je n'ai jamais eu le sentiment d'être considérée comme ridicule en tant que femme. J'ai toujours bénéficié ici du crédit et l'espace nécessaires pour apprendre les ficelles du métier."
De quoi êtes-vous la plus fière?
"De l'évolution de nos showrooms. En quelques années, nous avons franchi de nombreuses étapes jusqu'au jour où je me suis dit: stop aux rénovations. Rénover un showroom constitue naturellement une opération très visible. Mais à côté de cela, nous avons également investi beaucoup de temps dans notre base de données produits, un outil destiné tant aux clients professionnels qu’aux collaborateurs des showrooms. Celle-ci renferme tout ce que nous proposons. Environ 50.000 références. Dans cette base de données, vous pouvez effectuer des recherches sur base de caractéristiques comme ‘je recherche un carrelage gris à l’effet béton en grand format qui soit disponible de stock dans telle gamme de prix’. Ou avoir immédiatement la réponse lorsque vous voulez savoir si ce carrelage existe également en version pour l'extérieur. Parce que nous recevions régulièrement des appels téléphoniques pour poser toutes sortes de questions. Désormais, toutes les informations sont disponibles instantanément. Avec les prix mis à jour. En fait, cela fait aussi partie du ressenti. Parce que les clients sont habitués à trouver leurs informations instantanément sur Internet. Nous y exposons également notre stock."
En parlant de la mise à jour des prix et des stocks, ceux-ci vous donnent-il des cauchemars vu les évolutions actuelles avec ces prix qui augmentent et ces délais de livraison qui s’allongent?
"Je pense que nous allons encore au-devant de six mois difficiles, chaotiques. Je m’y suis préparée. Surtout au niveau des prix et des délais de livraison. La fin n’est pas encore en vue. Et nous n'avons aucune emprise sur cela. Nous recevons les dates de livraison des usines, que nous transmettons au client. Mais certaines usines ne vous préviennent pas lorsqu’elles prennent du retard. Ce n'est qu’au moment où nous programmons le chargement qu’elles nous signalent que le carrelage n’est pas disponible. La capacité de production à l’étranger a également baissé parce que le transport par conteneurs est tout simplement devenu trop coûteux. Tout doit donc être produit en Europe, mais la capacité de production fait défaut. A cela s’ajoute aussi la crise du gaz. J'ai entendu dire que la moitié des lignes en Italie sont à l'arrêt parce que produire coûte trop cher. Et vous avez une économie qui tourne. J'en conclus que nous allons maintenant subir ce qui s'est passé l'an dernier au niveau du bois et de l'aluminium. Nous sommes en train d’analyser comment compenser cela. En constituant évidemment davantage de stock des produits qui marchent le mieux. Nous voulons aussi créer davantage de transparence au niveau des dates de disponibilité."
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Est-ce que cela vous fait peur?
"Il faut avancer. Nous ne pouvons que faire de notre mieux. Nous allons être confrontés à ce problème, mais nos concurrents aussi. Nous rappelons à nos commerciaux de bien communiquer et de réfléchir de façon proactive pour, lorsqu’un produit est indisponible, indiquer au client les solutions bel et bien disponibles. Peut-être pourrons-nous satisfaire le client avec un format différent ou une alternative visuellement similaire. Naturellement, nous ressentons aussi le stress de ceux qui souhaitent rénover. Je sais que, à ce moment-là, c’est un peu pour le client comme si le ciel lui tombait sur la tête. Les gens ont parfois ce sentiment. Ils sont mis au pied du mur par ces augmentations de prix et l’allongement des délais de livraison. Mais souvent, vous ne pouvez pas y faire grand-chose. Alors, vous devez être honnête. Jouer franc jeu, c'est ce qui fonctionne le mieux."
Chez vous aussi?
"Lorsque j’ai commis une erreur, oui. Lorsque j’ai eu un souci mais que je n'aurais pas pu l'éviter même avec la meilleure volonté du monde, alors je peux l’accepter."
Vous n’êtes ici pas seule à diriger. Comment essayez-vous de diriger correctement l’entreprise?
"Je trouve que cela reste encore et toujours un volet complexe de mon métier. J'essaie toujours de bien faire avec tout le monde, mais j'ai vite appris que c'est impossible. Je tente de me mettre le plus possible à la place de nos collaborateurs. Comme pour le planning, par exemple. Puis je me demande: est-ce que je serais d’accord de travailler autant de jours d'affilée ou de travailler autant de samedis? C'est peut-être très vieux jeu, mais je crois qu'il faut montrer l'exemple. Les principes que je trouve importants, je les applique aussi moi-même, comme arriver à l'heure ou, du moins, prévenir quand vous êtes coincé dans les bouchons, par exemple. Ou terminer les choses. Quand vous dites que vous allez faire quelque chose, faites-le.
Pendant longtemps, j'ai travaillé quelques jours par semaine dans le showroom, mais j'ai arrêté de le faire en 2019, parce que le volet marketing ne cessait de prendre de l'ampleur. Je travaillais alors également le samedi et prenais un jour de congé en semaine, mais comme on m’appelait constamment, ce n'était plus possible. Je trouve agréable de terminer certaines choses le samedi. Surtout d’avoir le sentiment d'être à nouveau en phase avec la semaine."
Qu'est-ce que vous aimez dans la vie?
"Je peux vraiment apprécier de faire quelque chose avec des amis. Partir un petit week-end, aller boire un verre ou manger un bout. Mais faire certaines choses seule me procure autant de plaisir. J'aime lire. J'aime regarder des séries. Cela me détend énormément. Un bon équilibre entre les deux. Parfois ne rien faire, parfois voir des gens. Regarder Netflix pendant toute une soirée est mon petit plaisir secret. Et cuisiner quelque chose de savoureux à déguster dans le canapé devant la télé. Ou lire dans mon bain jusqu'à ce que je sois toute fripée."
Qu’est-ce que la beauté pour vous?
"Cela peut être beaucoup de choses. Comme le cliché d'un beau coucher de soleil. Cela reste pour moi un petit moment d’ébahissement. Ou l'immensité d'une montagne quand nous allons au ski. Vous réalisez alors que vous êtes tout de même petit. Je n'ai pas beaucoup d'affinités avec l'art. Je vais bien de temps en temps au musée, mais ce n'est pas là que je recherche la beauté. La beauté, cela peut aussi tout simplement être un moment entre personnes, un fou rire entre amis. Ou un petit geste."
Les préférences de Fabienne Royaux
- Plat préféré: "La pizza. La classique, donc pas besoin de mettre un millier d’ingrédients dessus."
- Sport préféré: "Je rejoue au hockey. J’y jouais lorsque j'étais enfant, mais j'avais arrêté lors de mes études. C'est très relaxant, même si je veux gagner tous les matchs. J'aimerais aussi aller courir davantage, mais cette bonne résolution ne tient pas souvent. Et, vu que nous sommes tous de grands supporters du Club de Bruges, j'essaie donc d’aller régulièrement aux matches."
- Films ou séries: "Games of Thrones, du moins les premières saisons. Je n’ai peut-être vu le film ‘Les Evadés’ pour la première fois que l'année dernière, mais quel beau film."
- Musique préférée: "Je mets souvent de la musique. A la radio, j'écoute Studio Brussel et, quand ce n’est pas possible, MNM. J'écoute aussi souvent Spotify. Je ne fais pas mes propres playlists, je cherche des playlists préétablies qui correspondent à mon humeur du moment."
- Livre préféré: "Vu que j'en lis 20 par an, c'est difficile de choisir, mais il y a 5 ans est sortie une magnifique nouvelle traduction néerlandaise du Comte de Monte Christo. Une sacrée brique, mais je la recommande vivement à mes amis."
Qu'est-ce qui figure encore sur votre liste de choses à faire absolument?
"Professionnellement, j’aimerais libérer suffisamment de temps avec Guy et Paul pour travailler sur les grands projets, comme notre stratégie. Ce n'est pas facile, car vous êtes toujours occupé par les activités quotidiennes. Mais il est également important de prendre le temps et le recul pour avoir une vue d’ensemble. J’aimerais également finaliser les portails produits et clients afin d’encore élever le niveau de l'expérience d'achat pour les clients professionnels. Et je veux encore beaucoup apprendre au niveau du marketing."
"Sur le plan personnel, il y a certainement plusieurs pays que j’aimerais visiter. L'Afrique du Sud pour sa nature et son vin. Le Japon pour sa culture et sa cuisine. Entre-temps, j'ai également acheté une maison à Bruges, à laquelle je vais donc devoir consacrer du temps. Je veux essayer de mener à bien sa rénovation avec le moins de stress possible (rires). Pour l’instant, je vis à Ixelles. Après mes études à Louvain, j'ai suivi des amis à Bruxelles, mais j'ai toujours su que je ne resterais pas ici, même si cela me manquera. J'ai encore beaucoup de famille et d'amis en Flandre Occidentale, et j’effectuais donc de nombreux allers-retours. Cela, par contre, ne me manquera pas."
Avez-vous des exemples dans la vie. Des gens qui vous ont inspirée?
"J’ai précisément un cercle d'amis assez ambitieux pour lesquels j’ai une grande admiration et qui m'inspirent beaucoup. Une amie a par exemple démarré une start-up: Jusré qui propose des jus pressés à froid. Je me suis dit: mais dans quelle aventure t’es-tu lancée là? Mais elle s'en sort toujours. J'admire beaucoup son culot, sa détermination et sa persévérance. Se jeter à l’eau et nager jusqu’à la rive... J'aime aussi suivre les entreprises belges qui réalisent de belles choses. Qui deviennent des valeurs sûres dans toutes sortes de secteurs grâce à une vision claire. C'est beau à voir."
Quelle est votre plus grande leçon de vie jusqu'à présent?
"Chaque maison a sa croix. Tout le monde a des soucis, même si l’on ne sait pas toujours ce qui se passe chez les autres. J'ai appris à accepter que cela fait tout simplement partie de la vie. Et cela peut concerner beaucoup de choses. La santé physique et mentale, la faillite d'un rêve, ne pas pouvoir avoir d'enfants, les ruptures relationnelles. Cette prise de conscience fait que je juge moins vite les gens quand je ne connais pas toute l'histoire."
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