Glenn Sestig marque un penthouse de son empreinte avec des marbres exclusifs

Style reconnaissable

Le CV de Glenn Sestig. Né à Gand (1968). Première réalisation: sa chambre à coucher, à l’âge de 11 ans. “Mes parents m’ont laissé la dessiner moi-même. Elle est toujours là et j’en suis très fier!” Lorsqu’il a ensuite réalisé la salle de bain puis la cuisine de ses grands-grands, il était prêt pour entamer ses études à l’Institut Supérieur d’Architecture Henri Van de Velde d’Anvers. En 2002, l’aménagement sophistiqué du Culture Club, le temple de la danse gantois, fut un véritable tournant pour Sestig.

Ce projet ainsi que d’autres projets ultérieurs (plusieurs boutiques comme Verso et salons de coiffure comme Clientology) ont été acclamés dans des magazines d’architecture internationaux et des monographies dédiées à l’architecte. Son style est perçu comme immédiatement reconnaissable mais difficile à décrire. Peut-être pouvons-nous nous en tenir à un ‘raffinement teinté de rigueur’.

Présent à Gand

Après avoir d’abord mis l’accent sur les boutiques et salons de coiffure de luxe, Sestig réalise de plus en plus de projets résidentiels depuis 2008. A Gand, notamment, son empreinte ne cesse de s’étendre. Il a par exemple signé le studio d’enregistrement de Soulwax/2 many DJ’s sur l’Ancien Marché aux Bestiaux, avec la remarquable façade en granite. “Les frères Dewaele adorent l’architecture en carreaux japonais”, explique-t-il. “La façade se compose en fait de grands carreaux de 99x99 cm, taillés, posés et jointoyés en blanc”. La touche Sestig va encore devenir plus perceptible dans sa ville natale avec One Fifty Kouter: 42 appartements de luxe avec piscine et hammam, cave à vin, fumoir, etc.

Pas un architecte d’intérieur

Ce penthouse dans une nouvelle construction, également à Gand, est un projet plus discret. Le propriétaire a sollicité Glenn Sestig pour la finition. “Il ne l’a pas vraiment acheté casco mais déjà avec un agencement intérieur. Le penthouse n’est pas énorme mais très luxueux... Et extrêmement bien situé avec une vue magnifique sur nos tours”. Soyons clairs: Glenn Sestig n’est pas un ‘architecte d’intérieur’. “Mon bureau a, à tort, cette réputation. Mais en fait nous réalisons tout, y compris de nouvelles constructions complètes. Et même lorsque nous nous chargeons uniquement de la partie intérieure, nous le faisons sur base d’une vision architecturale complète.”

Interventions nécessaires

“Je pars d’une vision incluant structure, fonction et circulation. Dans ce penthouse, nous avons commencé par une série d’interventions nécessaires: nous avons supprimé la troisième chambre à coucher prévue pour agrandir l’espace de vie, afin d’avoir une vue ouverte depuis la salle à manger par-dessus le bloc bibliothèque au centre (avec les livres autour). Le bureau, où le propriétaire (un homme d’affaire) passe beaucoup de temps, est également inclus dans la partie séjour. A l’avant, nous avons aménagé une grande terrasse de détente et à l’arrière, une terrasse étroite. Nous avons créé une entrée supplémentaire, de manière à ne pas devoir faire un détour pour atteindre la cuisine.”

Evolution des goûts

“Ce n’est que lorsque le plan est tout à fait au point que nous passons à la matérialisation. Dans ce cas, nous avons beaucoup travaillé avec la pierre naturelle, conformément à la demande du client”. Le marbre Shiraz, un produit ultra exclusif, est très présent.

“Cette pierre est désormais introuvable car la carrière vient de fermer. C’est dommage. C’est une pierre magnifique, j’en ai également beaucoup chez moi. Elle était déjà très prisée et donc onéreuse mais maintenant… Je pense qu’ils rouvriront un jour cette carrière, avec le prix multiplié par trois. Regardez ce qu’il s’est passé avec les mines d’or et de diamant”. Sestig contemple l’évolution des goûts en matière de pierre naturelle avec une distance ironique.

“Aujourd’hui, le granite est à nouveau moins cher car moins demandé. Bon. Personnellement, je pense qu’une pierre naturelle peut difficilement se démoder...”

Marbre noir richement veiné

La salle de bain est décorée de Nero Marquina. “Un marbre noir richement veiné avec un magnifique motif – une œuvre d’art en soi. Le propriétaire souhaitait différents types de pierre naturelle, nous devions donc veiller à ce que cela ne devienne pas chaotique. C’est une question de composition de couleur. Le composite pour les plans de travail de la cuisine reste par exemple proche du Shiraz. A l’extérieur, tout est en pierre bleue, y compris le passage de la balustrade. L’uniformité du matériau est là pour renforcer le caractère minimaliste et pour faire mieux ressortir le centre historique, comme un cadre”.

Le Nero Marquina est flanqué de marbre Thassos blanc. Et la pierre naturelle dans le penthouse est également entourée de matériaux chaleureux: du parquet dans les chambres à coucher et de la moquette dans le bureau. Autre touche chaleureuse: le carreau Compact (carreau en composite de pierre naturelle) dans la chambre d’amis.

Amour de la pierre

Un maximum de pierre naturelle: tel était le souhait du client. Et Glenn Sestig lui-même?

“J’aime travailler avec la pierre naturelle pour son caractère constant. C’est un produit solide si on le place au bon endroit. Il produit en outre un effet immédiat: à peine posé, il est magnifique. Le verre et le miroir produisent le même effet et ce sont également des matériaux que j’apprécie. La pierre naturelle a aussi un avantage sur le bois: avec un sol en bois, on voit parfois trop de joints et de lignes sur les grandes surfaces, ce qui est beaucoup moins le cas avec la pierre naturelle.”

Alignement parfait

Dans le penthouse gantoise, on voit également des carreaux de grand format. “Veiller à ce que tous les joints se positionnent parfaitement n’est pas une mince affaire. Tout est mesuré avec précision et dessiné en détail chez nous”. La mise en pratique est tout aussi complexe.

“Notre idéal est d’obtenir un alignement et une finition d’une précision digne d’un ordinateur! Mais l’installateur a fait un excellent travail”.

S’assurer que tous les détails correspondent exige un suivi strict, sur place, de tous les projets. “Tout doit être parfaitement aligné! Le bord d’un miroir doit être parfaitement aligné avec le bord d’un sol”. Glenn Sestig aimerait un peu lever le pied sur les inspections sur chantier mais son perfectionnisme l’en empêche. Cela implique aussi beaucoup de déplacements. “Au printemps, j’avais des projets en cours en Suisse, à Ibiza, à Saint-Tropez... Bon, ces lieux sont loin d’être désagréables, je ne vais pas trop me plaindre!”

Conception de meubles

La création reste de loin l’aspect de son travail qu’il préfère. “Je réalise toujours tout moi-même. J’ai une équipe qui se charge des croquis et du suivi mais la création, je m’en charge toujours. Les idées neuves sont les bienvenues mais j’ai tellement mon métier dans la peau que j’ai du mal à lâcher prise”. Et Sestig n’est pas seulement architecte, il dessine également des meubles. Une activité qui va de soi, pour lui. Une opinion qu’il partage avec certains de ses modèles, des grands noms de l’architecture comme Frank Lloyd Wright, Ludwig Mies van der Rohe ou Le Corbusier.

“Chez eux, je retrouve ce qu’il manque à l’architecture actuelle: le souci du détail. Et sans vouloir me hisser à leur hauteur, c’est quelque chose que l’on trouve aussi chez nous. Je ne concevrai jamais une maison si je ne peux pas réaliser aussi l’intérieur et dessiner moi-même les meubles. Quelqu’un comme Le Corbusier ne pouvait pas lâcher prise. Il était incapable de dessiner une maison puis de passer à autre chose.”

L’architecture comme arme

Les entrepreneurs ont tendance à se détacher trop rapidement d’un projet, estime Glenn Sestig, même des projets luxueux. “Vous avez parfois des appartements très coûteux et lorsque vous passez dans les espaces communs, comme le hall d’entrée, vous avez une poignée de porte standard, une boîte aux lettres standard… Cela casse un peu la différence mise en place, vous ne trouvez pas? Pensez exclusivité, pensez beauté!” Heureusement, on note une évolution dans la bonne direction. “L’architecture est de plus en plus utilisée comme une arme pour favoriser la vente. C’est une bonne nouvelle!”

Can’t let go

Glenn Sestig ne laisse rien de côté. “Tout dans mes créations est signé de ma main: tables, armoires,...”. Son siège Elle & Moi est un classique. “Nous l’utilisons dans les showrooms et dans le privé, sur mesure dans ce cas”.  Il travaille également sur l’éclairage, comme avec ses éléments Regard, en production chez Kreon. “Ce genre de licences constitue de beaux objets. De plus, en tant qu’indépendant, vous n’avez pas une pension élevée. Il faut penser à cela aussi”, plaisante-t-il. Il y a aussi ses ustensiles comme le Pleasure Dome: une cloche en verre avec plateau en travertin: “Cela faisait des années que je cherchais en vain une belle cloche en verre. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Nous avons taillé le travertin jusque 4 mm d’épaisseur mais il reste solide”. Sa collection compte également un seau à champagne en marbre.

Véritable touche-à-tout, Sestig connaît cependant ses limites. “Pour l’instant, je ne me lance pas dans les chaises. C’est assez compliqué, surtout à cause du côté ergonomique. En plus, je devrais apprendre le nom de tous les arbres, ce qui me donnerait envie de m’occuper du jardin!”