L'ajustement des tolérances de pose, une priorité pour le carreleur?
Évolution des matériaux
Si l'on se réfère aux 'carreleurs' d'antan, la technique du collage n'existait pratiquement pas. Tous les carreaux disponibles sur le marché étaient suffisamment poreux (coefficient d'absorption d'eau élevé) pour être tout simplement posés de façon traditionnelle dans le mortier. Sans le moindre souci. Il n'était guère question de joints dilatation ou de répartition, d'autant plus que les fissures et éclats étaient quasiment inexistants dans les carrelages. Ce qui s'explique notamment par le fait qu'énormément de carreaux de mosaïques de marbre lourds, mieux connus à l'époque sous le nom de 'granitos' et produits chez nous Belgique, étaient posés directement dans un lit de mortier de soufre.
Les faibles contraintes de retrait permettaient ainsi parfaitement de réaliser des joints de 1 mm! En outre, on utilisait principalement des formats carrés de 20 à max. 30 cm de côté, ce qui favorisait la répartition des contraintes du carrelage sur mortier. Même la forte émergence des carreaux émaillés italiens dans les années 1970 n'a guère posé de problèmes, car les formats restaient limités et leur base poreuse (souvent fruit de ce qu'on appelle la bi-cuisson) permettait tout aussi bien de les poser dans le mortier sur un lit de sable stabilisé à faible teneur en ciment. La 'désolidarisation' n'existait pas encore, sans parler du 'double collage'...
Aujourd'hui, cependant, la donne est légèrement différente. Les carreaux en nouveau grès cérame appartiennent toujours au groupe BIa (ISO 13006). Cela signifie que ce type de carreaux est principalement façonné par pressage (groupe B) avec une absorption d'eau égale ou inférieure à 0,5 % (Ia). Mais, en plus des sols calibrés en pierre naturelle, les dimensions des carreaux céramiques sont également de plus en plus grandes. En outre, ces dalles sont laminées et pressées sous très haute pression, ce qui entraîne des valeurs d'absorption d'eau extrêmement faibles.
Les carreaux modernes en 'céramique pleine masse' sont des dalles très résistantes à la rupture et à la flexion qui atteignent des valeurs inférieures à 0,1% d'absorption d'humidité en poids propre! Les techniques de pose au mortier traditionnelles, surtout pour la mise en oeuvre de carreaux à base de céramique, doivent donc céder la place à des méthodes de collage modernes afin de placer la barre de la qualité très haut. Par conséquent, les méthodes et systèmes de pose évoluent nécessairement aussi...
Lit de mortier vs. collage
Dans un des laboratoires d'une entreprise chimique bien connue ont été effectués des essais sur la pose de matériaux céramiques extrêmement compacts pour comparer la méthode de carrelage traditionnelle aux techniques de collage innovantes. La question s'est alors posée: "comment et que faire des super grands formats?"
Pour la pose de carreaux céramiques extrêmement compacts, l'expert de service a opté pour un support en béton préhumidifié surmonté d'un lit de mortier traditionnel: trois parts de sable de Rhin de type 0/2 parfaitement pesé et séché au feu (Saturated Surface Dry), une part très précise de ciment 42,5 N/mm² et une quantité d'eau propre mesurée avec précision.
À cela ont été ajoutés des améliorateurs d'adhérence selon les consignes - pas à la grosse louche! - en sélectionnant trois marques bien connues que l'on rencontre régulièrement sur chantier. Nous ne citerons pas de noms pour éviter toute insinuation de conflit d'intérêts.
En contrepartie, l'expert a effectué un essai en parallèle avec des colles à carrelage C2 qui ont été appliquées de la même manière traditionnelle, en une couche épaisse, sans peignage ni double encollage. Par curiosité, un autre échantillon a encore été préparé sur un lit de soufre et ciment et un autre sur un lit de soufre, sable du Rhin et ciment (1/3-1/3-1/3).
Les résultats
Après une période de durcissement correctement définie, les résultats suivants ont été constatés, certes dans des conditions de laboratoire idéales:
- Les compositions de mortier à base de soufre sont hautement déconseillées, car elles donnent les moins bons résultats. On peut en déduire, entre autres, que le soufre ne fait que rendre le mortier de pose plus plastique, mais qu'il ne garantit aucune amélioration supplémentaire de la qualité de l'adhérence. Vous remarquerez sans doute que nous pourrions tout aussi bien utiliser des entraîneurs d'air pour obtenir un mortier plus facile à travailler, mais un ajout de 1% a entraîné une réduction de la force d'adhérence d'environ 10% lors des essais! Attention: cette réduction peut éventuellement être compensée par l'ajout de composants améliorateurs d'adhérence. Doubler la concentration prescrite de l'améliorateur d'adhérence dans un mortier de sable de Rhin, par exemple, a manifestement un effet positif sur la cohésion, ce qui, en toute logique, pourrait également avoir un effet négatif en réduisant la concentration de moitié.
- Une couche d'accrochage sur le béton s'est avérée extrêmement efficace pour garantir une adhérence supplémentaire. Une mesure a indiqué une résistance moyenne à la traction de plus de 0,40 N/mm²!
- Quant aux colles à carrelage C2 testées, elles ont sans problème atteint les résultats de résistance à la traction sur l'épaisseur de mortier enduit (couche moyenne). Elles obtiennent même de meilleurs résultats que les essais sur la pose traditionnelle dans un lit de mortier.
Pour les applications en couche mince, les avantages sont indéniables:
- Flexibilité pendant le durcissement.
- Temps de séchage court (limite pour le rejointoiement et praticabilité plus rapide par rapport à la pose dans le mortier).
- Adhérence initiale directe (propriété thixotropique pour les carrelages muraux!
- Produit préfabriqué (le rapport de mélange exact est déterminé par le fabricant).
- Conforme à la norme EN 12004, résistant aux cycles gel-dégel.
- Pose en plein des carreaux grands formats par simple pression manuelle lors du glissement. Toutefois, pour les dalles de grand format, l'utilisation de la technique buttering/floating (double encollage parallèle) est fortement recommandée afin d'obtenir une surface de contact maximale.
- Séchage garanti sous les carreaux grands formats en cas d'utilisation de colles rapides (moins d'évaporation due à la cristallisation de l'eau de gâchage!)
Le carreau le plus solidement posé sera donc celui posé avec la colle la mieux choisie sur le support le plus régulier possible dans des conditions idéales! En outre, plus le support est lisse, plus la consommation de colle diminue et plus la pose sera rapide...
C'est là que le bât blesse
Il va sans dire que les carreaux d'ajustement, les raccords avec des lattes en aluminium et le cordon de maçon qui les accompagne disparaissent peu à peu du paysage du carreleur, même s'ils démontrent encore leur utilité lors de la pose de pierres naturelles non calibrées. La méthode de pose traditionnelle au mortier et à la truelle doit de plus en plus faire place à des techniques de collage innovantes à la spatule à colle! Mais qu'est-ce que cela implique précisément?
Tout d'abord, le support sur lequel les carreaux seront collés doit être sèche, stable et aussi parfaitement plane que possible. Et c'est précisément là que le bât blesse. La finition d'un carrelage dépendra directement de l'état du support sur lequel il sera posé. Cela signifie que les tolérances de planéité des couches sous-jacentes doivent être renforcées. Avant la pose du premier carreau, le niveau, l'horizontalité et la planéité devront être vérifiés par le carreleur et, si nécessaire, rectifiés par l'exécutant responsable.
Pour réduire au maximum les tolérances d'exécution d'une chape au ciment, il existe des accessoires, des systèmes et des machines permettant par exemple d'affiner la planéité d'une chape. Il suffit de penser à la récente machine à chaper innovante de notre collègue poseur Tom Tomme, qui permet de réaliser une chape de ciment avec une précision de moins de 1 mm, soit un maximum de 0,6 mm/25 m.
D'autre part, les couches d'adhérence plus épaisses entraînent plus facilement des différences de niveau. Par conséquent, des directives et normes adaptées pourraient contribuer à améliorer le degré de finition.
Des normes sont-elles la solution?
Les normes sont des règles déontologiques élaborées et publiées dans tous les pays par des organisations nationales composées de spécialistes employés dans le secteur de la construction, en l'occurrence des entrepreneurs-carreleurs, des ingénieurs, des chercheurs, des chimistes et des utilisateurs de divers matériaux. Ces experts contribuent à améliorer les relations commerciales entre le producteur et le vendeur-fournisseur d'une part et l'acheteur-utilisateur d'autre part.
En principe, les normes sont en fait des règles de bonne exécution établies selon les usages de la profession et l'état des connaissances actuelles de la science.
Notes d'Information technique
Par conséquent, nous pouvons les décrire comme des règles techniques qui donnent au fabricant, au vendeur, à l'acheteur et à l'utilisateur une certaine garantie de la bonne qualité du carreau et de son utilisation. Elles définissent le format et les propriétés physico-techniques des matériaux en établissant les propriétés qualitatives requises, la détermination des essais et les modalités des contrôles. Elles peuvent également décrire la méthode de pose indiquée des matériaux servant à garantir la bonne exécution. Les directives belges peuvent être consultées via Buildwise, anciennement CSTC, où différents NIT (Notes d'Information Technique) ont été élaborées par les Comités Techniques. Plus spécifiquement pour notre profession, il s'agit de la NIT Revêtements durs de murs et sols ainsi que la NIT Pierre naturelle.
Les normes peuvent avoir un caractère juridique mais ne constituent pas une loi en soi. Elles servent de référence pour déterminer la qualité et le caractère du carreau céramique ainsi que les directives de pose correctes. Elles sont quoi qu'il en soit contraignantes si les deux parties acceptent les clauses correspondantes (dans les cahiers des charges, par exemple). La norme forme alors une obligation pour les parties. Même les experts et les experts judiciaires se réfèrent généralement aux normes européennes ("NBN EN") et aux NIT de Buildwise pour étayer leurs conclusions après une expertise.
Mais pour certaines valeurs, il y aura toujours le choix entre les écarts importants, normaux et stricts autorisés. Nous attendons d'ores et déjà avec impatience les degrés de finition du futur!
Conseils pour les tolérances
- Tenez compte de l'éventuelle forme convexe ou concave des carreaux longs et étroits. Un système de nivellement pourra dans ce cas s'avérer utile afin de réduire à zéro la tolérance de deux carreaux l'un par rapport à l'autre.
- Pendant l'exécution, retirez toujours un des carreaux posés pour vérifier le transfert de colle. Vous serez sans doute surpris par le résultat!
- L'encollage simple, quelle que soit la méthode de pose, sera toujours hautement déconseillé! La technique du buttering/floating constitue est incontestablement la seule méthode sûre, à moins d'opter pour un collage dans u lit de colle liquide avec une garantie explicite du fabricant.
Lire cet article gratuitement ?
Il suffit de créer un compte gratuitement.
-
Lire quelques Plus articles gratuits chaque mois
-
Choisissez vous-même les articles que vous souhaitez lire
-
Restez informé via notre newsletter
-
Voici le genre de mésaventure pouvant arriver à tout commerçant qui débute: la rénovation totale prévue de la surface commerciale, qui…
-
Immersion du Comité Technique de l'EUF au cœur de la céramique italienne
Un programme étoffé, concocté par Assoposa Italia, associé à des visites d'usines fascinantes et complété par la visite du siège de… -
Un problème d'humidité ennuyeux se mue en litige
L'eau finit toujours par trouver son chemin, dit-on en boutade. Mais rien n'est moins vrai. C'est ce qui ressort d'un cas d'expertise où l… -
L'ajustement des tolérances de pose, une priorité pour le carreleur?
Les clients sont de plus en plus exigeants et sont littéralement prêts à mettre leur nez sur le carrelage pour accepter ou refuser les…
Les tendances et l'avenir de la technologie du jet d'eau
Aujourd'hui, la "technologie de découpe au jet d'eau" est l'outil de choix pour des découpes précises et sans pertes importantes. Mais…Possibilités et applications des jets d'eau : formes complexes et contours fins
La découpe au jet d'eau de la pierre est une technologie fascinante qui permet un traitement précis et raffiné des types de pierre les plus…Les jets d'eau allient polyvalence et haute précision
Comprendre la technologie des machines à jet d'eau est essentiel pour les entreprises qui cherchent à accroître la précision et la…