Les tendances dans les salles d'exposition de carrelage: le 'less is more' comme nouvelle réalité?

Nous nous sommes entretenus avec plusieurs négociants, exploitants de showrooms de carrelage et fournisseurs de présentoirs. Ces derniers épinglent 5 tendances et se projettent aussi vers l’avant. Selon notre panel, une présentation flexible du carrelage constitue la clé du succès.

"Avant (il y a disons 10 à 15 ans), tous les showrooms ou salles d'exposition débordaient de présentoirs de style livre et portes battantes. La salle d'exposition moyenne présentait facilement 600 références. Aujourd'hui, nous en exposons beaucoup moins, mais mieux", explique Bart Dermul, spécialiste en présentoirs et aménagement de showrooms.

"Si tout le monde ne parlait que de l’expérience client, je constate désormais que les showrooms misent à nouveau sur un mélange de solutions. Car une salle d'exposition misant uniquement sur le ressenti ne permet pas de montrer suffisamment. Attention, il reste encore des showrooms où rien n'a changé durant ces 30 dernières années. Ceux-ci ne cessent de se plaindre de la guerre des prix, mais en ne proposant que des formats 60x60 ou 30x30, vous vous retrouvez inéluctablement dans la sphère des carreaux à petits budgets."

Stefanie Vermeulen, directrice de Desloover Tegels & Natuursteen, ajoute: "l'ancienne salle d'exposition était un méli-mélo d'armoires. Si vous trouverez encore et toujours des armoires chez nous, nous vendons cependant plus que ce qui est visible au sol. Sur le principe ‘less is more’, pourrait-on dire. Je suis vraiment convaincue qu’il est préférable de présenter 20 m² d’un seul et même carrelage posé au sol plutôt que 30 panneaux coulissants d’un m²."

Katleen Lemmens (RG Tegel): "lorsque je suis arrivée ici il y a 8 ans, le showroom de RG Tegel proposait principalement des armoires et panneaux standard. Aujourd'hui, nous misons sur l'expérience client en associant celle-ci à une présentation intelligente de plus gros volumes: nous incitons nos clients à découvrir les boxes meublés, en les combinant avec des moodboards et plusieurs armoires et présentoirs coulissants permettant de gagner de la place. Le consommateur final se voit ainsi proposer une expérience du style ‘Pinterest’, tout en pouvant voir l'éventail des possibilités. RG Tegel est finalement un grossiste, ce qui signifie que nous sommes à l'avant-garde des tendances et que nous inventons des présentations ‘intelligentes’ pour nos salles d'exposition."

Nous attirons aujourd'hui un public plus large qui ose faire des choix plus audacieux. Alors qu'avant, la salle d’exposition renfermait, pour ainsi dire, seulement de nombreux tons de gris différents

Moins de carreaux, plus de styles

La première tendance qui se dessine consiste à présenter davantage de styles différents, afin de guider plus facilement le type de clients qui pousse les portes de la salle d'exposition.

Kelly Callebaut de Tegelcentrum Schelfhout Alost: "cela fait 7 ans que je travaille ici et la plus grande différence par rapport au début est qu’on a évolué vers beaucoup plus de styles. Ceux qui souhaitent aménager une maison rétro peuvent s’adresser à nous, mais aussi ceux qui recherchent des carrelages rustiques pour une vieille ferme ou ceux qui préfèrent le style moderne épuré. Ce qui nous permet aujourd'hui d’attirer un public plus large qui ose faire des choix plus audacieux. Alors qu'avant, la salle d’exposition renfermait, pour ainsi dire, seulement de nombreux tons de gris différents. Nous essayons de sortir les clients de leur zone de confort, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne pourront pas faire ici des choix plus ‘sages’."

Un avis que partage Stefanie Vermeulen: "je ne dirai pas qu'on ne travaillait pas sur la salle d'exposition auparavant, mais l'approche était différente. Ici aussi, nous réalisons des moodboards. Nous avons ainsi créé un mur entier dans une ambiance de moodboards, sur lequel nous avons regroupé différentes possibilités par style."

Katleen Lemmens: "je prédis que les producteurs tarderont moins à prendre des décisions rationnelles, de telle sorte que l’offre va évoluer. Comme nous le constatons depuis déjà environ deux ans maintenant. Une collection se déclinant en une abondance de couleurs ne sera jamais rentable à 100%. En misant sur les couleurs et les formats les plus rentables après la préproduction, les producteurs pourront réduire les coûts, ce qui s’avère indispensable en ces temps difficiles. Cela vaut aussi pour nos salles d'exposition: nous misons sur les produits qui, selon nous, deviendront des ‘succès’. Ce qui nous permet d’adopter une approche très diversifiée, et ainsi présenter davantage de styles sans surcharger l’ensemble."

Présentoirs sur mesure et exercice de réflexion

Yves Dhoore: "plus il y a de variétés de carreaux différentes sur le marché, plus nous devons adapter nos présentoirs. Il s’agit là d’une évolution de l'aspect fonctionnel de la présentation. Mais j’observe aussi une évolution dans le fait que les salles d'exposition veulent afficher davantage leur propre identité. À mes débuts il y a 17 ans, nous avions une série de présentoirs et couleurs standard parmi lesquels nos clients choisissaient ce dont ils avaient besoin. C'est ainsi qu’étaient constitués les showrooms. Il y avait à l'époque environ 30% de présentoirs sur mesure. Entre-temps, la gamme des présentoirs s'est considérablement élargie, de telle sorte que 70% de nos présentoirs sont aujourd’hui réalisés sur mesure."

"Nous constatons en outre que de plus en plus de clients ont leur propre architecte d'intérieur pour leur salle d'exposition, ce qui était jadis impensable. Nous collaborons dès lors beaucoup plus avec leurs architectes. Ce faisant, vous arrivez automatiquement davantage dans la sphère du sur-mesure."

Bart Dermul: "les showrooms se sont fortement professionnalisés. Jadis, on disposait d’un espace et ou voulait y présenter le plus de références possible. C'était pratiquement la seule préoccupation. Aujourd'hui, on réfléchit à la manière de créer des zones différentes, au parcours idéal à travers le showroom, ou on procède par groupes de produits. Avant, ce n'était pas du tout comme ça."

Et Kelly Callebaut d’ajouter: "nous réfléchissons désormais à la manière dont nous posons nos sols de présentation, afin que les clients puissent marcher quelques mètres sur ceux-ci et observer l’incidence de la lumière. Nous associons aussi différents sols côte à côte, comme par exemple un parquet en céramique au look pierre naturelle et, à côté, des petits carreaux décoratifs. Cela simplifie le choix des clients, car ils peuvent immédiatement se faire une idée de ce que cela donnera chez eux, ce qui est moins évident avec un carreau dans un présentoir à tiroirs coulissants. Dès lors, les clients se décident aussi plus vite."

Notre département pierres naturelles bénéficie d’une présentation beaucoup plus technique que la céramique. Mais j'aime emmener les clients dans notre atelier

La proportion de pierres naturelles dans le showroom diminue

Yves Dhoore: "la proportion de pierres naturelles dans les showrooms a fortement diminué ces dernières années. Je remarque également qu'on y accorde moins d'attention au niveau de la présentation et que celle-ci est moins détaillée. Les négociants en pierres naturelles investissent moins dans les présentoirs que les négociants en carreaux céramiques. Ils auront plutôt tendance à créer eux-mêmes des présentations dans leur salle d'exposition."

Stefanie Vermeulen: "notre département pierres naturelles bénéficie, globalement, d’une présentation beaucoup plus technique que la céramique. Outre plusieurs grand boxes, nous avons également un immense mur de présentation, que nous modifions et combinons constamment. Certains matériaux ne sont parfois plus disponibles, d'autres sont proposés dans une finition différente. C'est un monde très passionnant. La salle d'exposition sert de point de départ pour trouver les tranches appropriées pour le client. Nous disposons aussi de notre atelier de pierre naturelle, où je me rends souvent accompagné des clients pour examiner les tranches. Ils sont ainsi encore plus vite convaincus de leur choix."

En Belgique, on est encore réticent à intégrer la composante digitale dans les salles d'exposition. Dans ce domaine, les Pays-Bas sont plus avancés

La digitalisation est plus rapide aux Pays-Bas, la Belgique est à la traîne

Bart Dermul: "il fut un temps où tout le monde considérait la digitalisation comme l'avenir et certains disaient déjà que les salles d'exposition allaient disparaître, parce que nous allions tout choisir en ligne, mais je n’y crois pas. L’un ne va pas sans l’autre. Le client s'orientera davantage sur Internet, c'est vrai, mais il poussera quand même les portes du showroom. Il existe des outils en ligne permettant de charger une photo de votre séjour et d’indiquer le type de sol que vous souhaitez. Cela permet de se faire une idée de ce que donnera un look parquet ou béton dans votre intérieur. Mais sur Internet, impossible de voir la différence entre du vinyle, du stratifié ou n’importe quel carrelage. Cette profondeur est importante et n’est visible qu’en vrai."

"En Belgique, on est encore réticent à intégrer cette composante digitale dans les salles d'exposition. Les grossistes approvisionnent les détaillants. Se pose alors évidemment la question suivante: qui va se charger de cette composante digitale? Les fabricants sont encore souvent démodés et ne veulent pas céder leurs visuels. Mais aux Pays-Bas, cela fonctionne très bien. Plusieurs grossistes ont développé leur propre système digital, souvent couplé un système de gestion des stocks et de calcul des prix. Idem en Allemagne, où ce genre de systèmes est géré depuis une centrale pour tous les intervenants."

Katleen Lemmens: "vous trouverez sur notre plateforme en ligne un outil de visualisation à 360°. Il permet aux gens de se faire une idée de ce à quoi ressemblera tel ou tel carrelage dans telle ou telle pièce. Cet outil est très utilisé. Nous demandons également aux clients d'y jeter un œil avant de se rendre dans la salle d'exposition afin de se faire une idée des carrelages qu'ils pourront y voir. Nous avons lancé cette plateforme il y a 6 ans, lorsque le digital en était alors encore à ses premiers balbutiements. Elle conservera son importance à l'avenir. Mais un carreau est un produit qu’il faut toucher. On ne pourra jamais se passer d’une salle d'exposition. Les clients veulent encore et toujours toucher les carreaux et pouvoir les examiner dans une salle d'exposition. Je ne crois donc pas que tout se fera un jour de manière digitale et en ligne."

Yves Dhoore: "on essaie de miser sur la digitalisation, mais je constate qu'il y a encore une certaine réticence. Je suppose que c'est à cause de l’aspect financier et de la nécessité de maintenir le système à jour. Les Pays-Bas sont plus avancés que la Belgique dans ce domaine. Nous conseillons à nos clients de tout de même intégrer la composante digitale. Cela peut aussi se faire tout simplement avec des écrans sur lesquels défilent des photos. Mais un système à part entière a du mal à décoller. Je n'ai pratiquement pas rencontré non plus d'applications de RV en Belgique, alors que les Pays-Bas utilisent déjà davantage celles-ci. J’en vois souvent sur les salons, mais cela nécessite un certain investissement et, vu que les temps sont difficiles, investir dans la RV est pour l’instant moins fréquent."

Kelly Callebaut: "les fabricants intègrent de plus en plus de solutions digitales sur leur site. Le client peut ainsi charger une photo de sa maison et visualiser dans celle-ci le carrelage choisi. Ce sont surtout les fabricants qui proposent cette solution, de telle sorte qu’il faut examiner cela site par site."

Une présentation flexible constitue la clé du succès

Katleen Lemmens: "notre propre salle d'exposition à Massenhoven reste notre centre névralgique. C’est là que nous étudions et testons presque quotidiennement les nouvelles présentations possibles et nous prenons note de la réaction des clients. A l'avenir, il sera peut-être possible d’adapter encore plus rapidement ces présentations avec encore davantage de ressenti et encore moins de références."

Bart Dermul: "les formats se multiplient, mais on ne peut pas installer un présentoir pour chaque format. C'est pourquoi nous avons opté pour des présentoirs dont les cadres métalliques sont réglables en largeur et en hauteur. Cette solution s’implantera de plus en plus."

Yves Dhoore: "je pense qu'à l'avenir, on présentera davantage des carreaux individuels. En Belgique, les gens ont encore fortement l'habitude de coller des carreaux sur des panneaux, même si cela se fait un peu moins suite à l'arrivée des carreaux grands formats. Nous avons dès lors continué à développer notre gamme d'armoires pour carreaux individuels. Les grossistes peuvent ainsi beaucoup économiser sur les coûts de merchandising. Cela permet aussi d’alterner plus rapidement les carreaux. Réduisant ainsi les coûts pour les grossistes. Le collage des carreaux sur des panneaux perdurera un certain temps car, en fin de compte, la couleur des joints joue aussi un rôle."