Stefanie Vermeulen: "Il y a 16 ans, je n'aurais jamais cru que je serais là où je suis maintenant"
Il était tout sauf écrit dans les astres que Stefanie Vermeulen atterrirait un jour dans le secteur du carrelage. Une carrière dans le monde de la mode, telle était sa voie. Mais parfois, les chemins prennent des virages serrés...
"J'ai effectivement fait mes débuts chez C&A", explique-t-elle pour lancer notre discussion. "J’ai ensuite rejoint Caroline Biss, où j'ai pu développer le marché exportations vers l’Allemagne, la Suisse et le Danemark. Chaque dimanche soir, je prenais ma petite voiture pour faire route vers l'Est ou le Nord. C’était toutefois encore trop tôt pour l'Allemagne de l'Est en tant que nouveau marché. Je vendais certes, mais après vérification de la solvabilité des clients, l'opération était généralement annulée. C'était très frustrant. Heureusement que je ne travaillais pas à la commission.
"Cette période a cependant été très enrichissante, car j’ai vraiment dû tirer mon plan. Je partais sans la moindre réservation d’hôtel. Chaque nuit, je devais chercher un endroit où dormir pour 85 DM, ce qui était juste trop peu pour trouver quelque chose de décent. J'attendais donc jusqu'à 21h puis j’entrais dans un hôtel un peu plus cher et je demandais une chambre à ce prix, en arguant du fait qu’ils ne loueraient de toute façon plus rien d'autre à cette heure-là. Après Caroline Biss, j'ai travaillé pour Mexx et Petit Filou, avant de passer au secteur de l’aménagement intérieur chez Flamant."
Que vouliez-vous réellement devenir quand vous étiez enfant?
"J'étais relativement sportive et je me voyais bien en Education Physique. Je jouais beaucoup tennis. Et, le week-end, nous faisions de la voile. En grandissant, je me voyais davantage dans une fonction commerciale. Mes parents auraient préféré que je reprenne le cabinet de kiné de ma mère ou que je devienne infirmière, mais je suis finalement allée étudier le marketing et ai fait une année supplémentaire en Gestion d'entreprise, alors à Vlekho. Je me rappelle d’ailleurs que le professeur de ‘Techniques de vente’ trouvait que je n'avais pas vraiment la fibre commerciale... J’aimerais l'inviter à venir ici pour lui montrer comment nous nous débrouillons tous au niveau commercial."
Comment avez-vous atterri dans le secteur du carrelage et de la pierre naturelle après le monde de la mode?
"Mon époux, Stefaan Ottevaere, dirige avec son frère Bouwpunt Ottevaere, à Audenarde. En 2006, on leur a demandé s'ils étaient intéressés de reprendre Desloover Tegels & Natuursteen. Nous avons alors décidé conjointement de reprendre l'entreprise. Pas au sein du groupe Ottevaere, mais bien sous une entité distincte, dont j'assume la direction générale. Heureusement, avec l'aide nécessaire et en synergie avec Bouwpunt Ottevaere."
Aviez-vous une affinité avec le secteur?
"En fait, pas du tout. La pierre bleue belge et le marbre de Carrare étaient les deux seules variétés de pierre que je connaissais, parce que nous les utilisions aussi occasionnellement dans les projets de cuisine chez Flamant. Il y avait des similitudes: les carreaux et la pierre naturelle sont également sensibles aux tendances, à l’image de la mode et de l’aménagement intérieur. Ici aussi, vous devez choisir vos collections. Mais il me faut admettre que j'ai peut-être un peu sous-estimé certaines choses. Au début, les fournisseurs m'ont dit qu'il me faudrait facilement deux ans avant que je ne connaisse quoi que ce soit à la pierre naturelle. Je ne les ai pas crus, j'étais convaincue que cela pourrait aller plus vite. Mais au final, ils avaient raison."
Quelle a été la plus grande difficulté?
"Apprendre à connaître les matériaux. Ici, nous travaillons le granit, le marbre, la céramique, le composite et de plus en plus les quartzites. S’ils ne me donnent aujourd’hui plus de fil à retordre, vu que je suis dans le secteur depuis 16 ans maintenant, cela a parfois été le cas les cinq premières années. Heureusement, il y avait ici beaucoup de collaborateurs disposant de l'expertise nécessaire. Nous essayons cependant de nous spécialiser au sein de notre équipe. Ces deux dernières années, je me suis surtout concentrée sur la pierre naturelle et le sur-mesure. Aucun devis ne part sans que l'aie relu. Toutes les commandes passent encore par moi avant d'être envoyées en production et je veux également voir les factures avant qu'elles ne soient envoyées. D'autres membres de notre équipe sont davantage spécialisés dans les carreaux, la pose et l’assistance au client."
Comment avez-vous marqué Desloover de votre empreinte?
"Notre clientèle est aujourd’hui beaucoup plus large. Nous réalisons de plus beaux projets. Je pense que c’est lié au fait que nous avons déménagé il y a deux ans dans un tout nouveau bâtiment où nos matériaux sont beaucoup mieux mis en valeur. La salle d'exposition est beaucoup plus grande, mais compte moins de références. Dans celle-ci, nous avons aménagé une maison complète avec un séjour, une cuisine, une chambre avec salle de bains et une terrasse attenante. Nous voulons donner aux gens une idée de ce que pourrait être leur maison. Les spécialistes en marketing utiliseraient pour cela le terme ‘expérience client’."
Sur votre site Internet, vous jouez de votre touche féminine en matière d'intérieur
"Oui, l'agence de publicité l'a formulé comme ça à l'époque (rires). En fait, nous voulons surtout réfléchir avec nos clients. Et je ne parle pas seulement de l'aspect technique. Dans notre salle d'exposition, nous combinons nos matériaux avec la couleur de peinture, le mobilier ou la robinetterie appropriés."
Lorsque vous êtes arrivée ici en 2006, avez-vous dû faire vos preuves en tant que femme?
"On m’a en effet testée au début. Vous devez faire en sorte d’avoir suffisamment de connaissances rapidement pour ne pas vous faire marcher sur les pieds. Plusieurs figures de proue nous ont quittés au fil des ans, mais c'est un phénomène normal. De nouveaux patrons, de nouvelles règles... Tout le monde ne peut pas s'y plier, d’autant plus lorsqu’une femme arrive soudainement à la barre du navire.
Notre atelier est peuplé uniquement d’hommes, avec qui j'essaie de communiquer le mieux possible. Ils savent qu'il vaut mieux m'appeler une fois de trop qu'une fois trop peu lorsque telle ou telle finition ne les convainc pas. Nous voulons fournir du travail parfait. Si ce n'est pas bon pour moi, ce ne le sera certainement pas non plus pour notre client."
Comment avez-vous vu évoluer les clients?
"Les clients sont devenus beaucoup plus exigeants, mais c'est une tendance générale, et quelque part compréhensible: les matériaux sont devenus plus chers, les réalisations plus complexes, et la barre est mise toujours plus haut. Les clients se décident également beaucoup trop tard, mais exigent ensuite que nous rattrapions le temps perdu. Ce n'est pas toujours possible. Le processus de construction a besoin de temps pour être mené à bien correctement"
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Quel est le plus gros défi actuellement?
"Trouver le bon personnel. C'est là le plus grand frein à notre croissance. Saviez-vous qu’il n’y a qu’une poignée de tailleurs de pierre diplômés qui sortent chaque année? Les gens doivent généralement apprendre le métier chez nous, dans l'atelier. Nous pouvons même compter sur un retraité qui vient donner un coup de main de temps en temps quand il y a trop de travail, et qui transmet aussi ses connaissances et son expérience aux collègues. La pose de carrelage est également un métier en pénurie"
De quoi êtes-vous la plus fière, au niveau professionnel
"La réalisation de notre salle d'exposition mérite tout de même des éloges. Elle n'est pas encore achevée, mais une salle d’exposition est-elle jamais terminée? Vous savez, il y a 16 ans, je n'aurais jamais cru que je serais là où je suis maintenant. Que je ferais tout cela. Mais je suis très souvent fière des réalisations que nous menons à bien avec toute l'équipe! Lorsque vous recevez ensuite des compliments de la part des clients, cela procure alors un sentiment de ‘yes, we did it’. De même, lorsque je dois trouver des matériaux pour des dossiers spécifiques et que j’arrive à surprendre les clients avec le bloc ou les tranches appropriés, je me sens grandir un peu, parfois avec le stress sain et nécessaire que tout puisse être fait à temps."
Comment décririez-vous votre propre caractère?
"Je suis surtout très sociable. Je parlerais à un chien avec un chapeau. J'aime travailler en équipe et j'aime énormément être entourée. À côté de cela, je suis aussi perfectionniste et parfois un peu obsédée par le contrôle. Si je peux être un peu trop exigeante avec mes collaborateurs de temps à autre, je dis ce que je pense et je ne peux parfois pas m'en empêcher. L'avantage, c’est que j'oublie vite ces choses et me reconcentre rapidement sur les suivantes."
Comment vous détendez-vous après une journée stressante?
"J’adore énormément profiter d’un bon repas, d’un bel environnement et d’une petite partie de golf. Il y a quelques années, j'ai fait l'ascension du Mont Ventoux à vélo. Je suis donc assez sportive et dois m'entraîner régulièrement. Je suis membre de plusieurs associations, comme la section Soroptimist d'Audenarde. Un club pour les femmes. Nous sommes très engagées socialement. Nous avons déjà réalisé 3 livres de cuisine dont les recettes sont versées à des bonnes causes. Lorsque je m’engage, je trouve important d’avoir une fonction. C'est pourquoi je suis la trésorière du club. C'est certainement encore cette manie de tout contrôler (rires)."
Y a-t-il des bonnes causes qui vous tiennent à cœur?
"Soroptimist s’engage surtout en faveur des femmes dans le besoin. Nous disposons à Audenarde d'une maison de béguinage que nous mettons à la disposition du CPAS, afin que les femmes victimes de violences conjugales, par exemple, puissent bénéficier d’un logement temporaire. Je trouve cela important."
Que signifie la beauté pour vous?
"C'est relatif. Ce qui est beau pour moi, ne l'est pas pour d'autres. Il est important de trouver le bon équilibre entre la vie privée et le travail. Je ne suis pas du matin et je travaille assez tard le soir, mais après, je veux que ma maison soit en ordre. Ma maison doit être achevée. Le jardin doit être nickel. Les enfants doivent recevoir la bonne éducation. La beauté est une combinaison de tout ce qui entre en ligne de compte dans ce tableau. Je veux aussi suivre les tendances. Nous avons déjà rénové notre maison quatre fois et j'envisage maintenant d’adapter la cuisine. Je suis active dans le secteur de la rénovation et des beaux matériaux. Quand les gens viennent chez nous, il faut aussi qu’ils puissent le voir. C'est un investissement pour moi et pour l'entreprise."
Quelle est votre plus grande leçon de vie jusqu'à présent?
"J’ai pour devise: Tout ira bien et si ça ne va pas, c'est le signe que ce n'est pas encore fini. Une fois, nous sommes allés en vacances en Inde. C’est la guide de notre groupe qui m’a enseigné cela. Lorsque quelque chose ne va pas, cela me donne la force d’aller plus loin!"
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