L'importance des anciens catalogues commerciaux pour la préservation des carrelages historiques
Les négociants en carrelage contemporains se voient dès lors régulièrement poser des questions quant à la disponibilité d’anciens modèles, à leur datation, à leurs propriétés techniques et aux possibilités de livrer à nouveau ou de reproduire ces modèles. Il sera possible de répondre à bon nombre de ces questions en consultant les catalogues d'usine et autres imprimés commerciaux. Si l’offre d'aujourd'hui est bien connue des meilleurs négociants en carrelage, qui conserve les anciens catalogues et quelle est précisément leur utilité?
Des objets de collection intéressants
Les catalogues commerciaux existent depuis le 16ème siècle. Dès la seconde moitié du 18ème siècle, publier des catalogues commerciaux illustrés s'est progressivement inscrit dans la pratique de toutes sortes d'entreprises. Surtout pour les objets lourds et de grande taille – parmi lesquels les céramiques architecturales et les carreaux pour sols et murs –, cela permettait d’informer plus facilement les clients potentiels quant à l'offre concrète, en particulier lorsque ces derniers se trouvaient loin de l'usine, ailleurs dans le pays voire même à l'étranger.
Collectionner les catalogues commerciaux des 19ème et 20ème siècles est longtemps resté exceptionnel, et s’avère encore et toujours problématique en Belgique car aucune institution ne le fait systématiquement. Seul le Musée des Techniques Anciennes de Grimbergen dispose d'une large collection de catalogues commerciaux belges issus des domaines les plus divers, dont quelque 25 catalogues de carreaux anciens, en partie totalement scannés et donc largement accessibles pour la recherche.
L'Institut flamand d'Architecture (VAI) dispose lui aussi d’un nombre considérable de catalogues de produits et de brochures publicitaires consacrés aux matériaux de construction, mais cette partie de la collection est difficilement accessible. Les plus grandes collections de catalogues de carreaux belges sont actuellement aux mains de collectionneurs privés en Belgique et à l'étranger, et ont été réunies par des hommes de métier et des chercheurs, dont l'auteur de cet article. À terme, plusieurs de ces collections seront transférées à des institutions publiques afin de pouvoir être mises à la disposition de la recherche. Ce qui ouvrira de jolies perspectives. Pourquoi, en fait?
Une nécessité pour la recherche
Quelle est l'utilité de ce matériel ancien ou plus récent qui n'a plus aucune valeur pour le négoce de carrelages contemporain? Ces anciens catalogues commerciaux et leurs tarifaires renferment des informations difficiles à trouver ailleurs. Des informations utiles pour les historiens de l'architecture et de l'art, sur des aspects aussi divers que la localisation des points de vente et des entrepôts, les représentations dans le pays et à l'étranger, la politique des prix et les remises commerciales, les coûts d'emballage et de transport ou les récompenses obtenues lors d'expositions mondiales, internationales, nationales et régionales. De plus, ces catalogues commerciaux procurent aussi régulièrement de nombreuses informations sur l'allure, la taille et l'évolution des bâtiments des entreprises, sur le parc de machines présent ainsi que, parfois aussi, sur les méthodes et les chiffres de production concrets.
À côté de cela, ils renferment également de nombreuses informations utiles aux architectes de restauration contemporains. Ces catalogues nous en apprennent ainsi toujours plus sur les produits proprement dits, sur leur apparence et leur évolution au sein de telle ou telle usine et, en cas de catalogues multiples d’une même usine, sur l’évolution de la production de cette usine au fil des ans. Cela vaut aussi pour les dimensions, les qualités, les prix concrets, les dénominations, la diversité de l’offre, l'évolution des marques d'usine, les designers externes éventuels et, plus généralement, pour la collaboration entre le producteur, l'architecte-concepteur et le client-maître de l’ouvrage. Ces catalogues nous en apprennent aussi régulièrement davantage sur les possibilités d'application souhaitées par le fabricant et fournissent des informations techniques relatives à la pose et à l’entretien. Ils renferment également des listes de réalisations, étayées ou non par des photos, qui offrent des possibilités de recherche concrète in situ. Ils incluent parfois également des rapports d'essais antérieurs et des recommandations d'architectes et d'ingénieurs.
Tout cela montre clairement que les catalogues commerciaux offrent de nombreuses possibilités de recherche concrète sur les applications des carreaux dans les intérieurs et les extérieurs que l'on retrouve aujourd'hui. Ils peuvent ainsi aider à identifier correctement et à mieux comprendre un carrelage concret parce qu’ils permettent de déterminer avec certitude l'origine et la datation des matériaux présents in situ sans devoir procéder à une étude destructrice.
Une source d'informations précieuse pour les restaurations
L'étude de plusieurs catalogues sur une période plus longue permet également de se faire une idée des évolutions fondamentales au niveau des motifs de pose concrets des sols, des configuration des lambris aux murs, des changements dans les appareillages et la largeur des joints ainsi que des changements au niveau de la forme et des dimensions des différents types de carreaux. Comme exemple pratique de cet aspect spécifique – qui montre également que l'étude des catalogues commerciaux peut constituer une aide importante pour la restauration ou la reconstruction partielle d'intérieurs anciens –, on peut citer le projet de restauration de la maison et atelier bruxellois de Victor Horta, construit entre 1898 et 1900.
Entre sa construction et 1911, la maison – une icône du style Art Nouveau – a été transformée à trois reprises. Pour préparer la restauration programmée, il était nécessaire d'identifier et dater les carreaux de sol et muraux de la cuisine au sous-sol afin de répertorier les différentes options. Les carreaux muraux ont été identifiés – sur la base de mes recherches dans d’anciens catalogues commerciaux – comme étant des carreaux de faïence issus de la gamme Boch Frères à La Louvière, plus précisément de la collection "Paysage bleu", dessinée par Charles Mouzin (1895-1896). Les carreaux de sol octogonaux provenaient également de chez Boch Frères (ils datent de la période 1890-1929). La réponse a été trouvée en étudiant l'évolution des motifs de pose dans les catalogues de Boch Frères au fil des ans. On a constaté que ces motifs ont changé après 1908: à partir de cette année-là, les décors figuratifs ont fait place à des liserés à motifs géométriques. Le motif du sol peut donc être attribué avec un degré de certitude assez élevé à la période de construction d’origine. Les carreaux restants ont ensuite été utilisés pour reconstruire correctement le revêtement du sol et des murs.
Ces recherches fastidieuses apportent une plus-value considérable, car l'étude d'une plus grande quantité de catalogues datables permet une analyse assez exacte de l'évolution de l'offre dans le temps, non seulement au niveau d'une usine individuelle, mais aussi au niveau de plusieurs usines d'un même pays voire même de plusieurs pays. Mes propres recherches ont ainsi rapidement montré que les catalogues d’usines étrangères peuvent également revêtir une grande importance. Cela vaut assurément pour les carrelages réalisés après 1945, et dans une plus large mesure encore pour les réalisations contemporaines. Les carreaux de sol et muraux ont été importés et exportés pendant des siècles et le sont encore aujourd'hui.
Aux XIXe et XXe siècles, le carreau de céramique belge a joué un rôle de premier plan, aux côtés de ceux d'Allemagne, d'Angleterre et, dans une moindre mesure, de France, dans un pays voisin comme les Pays-Bas qui ne disposait pas de sa propre production de carreaux de sol incrustés. Par le biais du port d'Anvers, la Belgique exportait également des carreaux vers des destinations lointaines en Amérique latine et en Asie. Les investisseurs belges étaient également à l'origine de plusieurs usines importantes à l'étranger, comme l'usine Marywil à Radom, aujourd'hui en Pologne. Les carreaux belges ont également eu une influence en termes de design. Entre-temps, les catalogues des fabriques de carreaux espagnoles, portugaises et japonaises contiennent de nombreux exemples de motifs qui ont été copiés des catalogues belges, avec ou sans ajustements mineurs.
Aujourd'hui, le mouvement d'import-export s'est complètement inversé. Il n'existe plus de production industrielle de carreaux à grande échelle en Belgique et, depuis les années 1960, nos carreaux modernes proviennent principalement de pays où la main-d'œuvre était encore bon marché, comme l'Italie, l'Espagne ou l'ancienne Tchécoslovaquie : Brésil, Russie, Inde et Chine.
Un appel
Afin de mieux comprendre cette internationalisation du marché du carrelage après la Seconde Guerre Mondiale et pouvoir à l'avenir mener à bien des projets de restauration de carrelages de valeur datant de la période d'après-guerre, il est très important de collectionner les catalogues commerciaux récents.
Permettez-moi donc de lancer un appel à tous les acteurs du secteur: à l'avenir, ne jetez plus négligemment vos catalogues périmés, mais mettez-les à la disposition de futures recherches. Ce matériel promotionnel récent peut avoir une grande importance, comme l’a récemment démontré une étude exceptionnellement fascinante – et très utile pour la pratique de la restauration – consacrée aux Matériaux de construction d'après-guerre dans l'habitation à Bruxelles 1945-1975, réalisée par des collègues chercheurs de la VUB à Bruxelles.
Si vous avez du matériel à mettre à disposition, n’hésitez pas contacter à l'auteur de cet article. Envoyez-lui un mail à l’adresse mario.baeck@telenet.be
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