5 questions de fin d'année à l'industrie : que savons-nous déjà sur 2024 ? (partie 2)

C’est une année charnière que nous venons de vivre. Le boom post-corona est retombé, les prix de l'énergie et l'incertitude géopolitique ont continué à peser sur 2023, tandis que les taux d'intérêt élevés des six derniers mois sont venus freiner la croissance du secteur de la construction, ou du moins la perspective d'une reprise. Au cours de l’année écoulée, il a parfois fallu faire preuve de patience, improviser ou même par moments dorer la pilule. Mais cette année n'a pas été un calvaire pour tout le monde, ni à tous les niveaux, et la volonté d'innovation est restée intacte. C’est ce que les salons 2023 nous ont appris. Du coup, comment les acteurs clés du secteur l'ont-ils vécu ? Et peut-on déjà déboucher le champagne pour 2024 ?

Isabel Gruwez - BNSA

Quel est le plus grand défi pour le secteur du carrelage ou de la pierre naturelle ? Et quelle est, selon vous, la bonne approche ?

Isabel: "Pour le secteur de la pierre naturelle, le plus grand défi reste la concurrence avec d'autres matériaux (lire : la céramique) mais aussi certains préjugés. La bonne approche consiste donc à continuer à commercialiser la pierre naturelle de manière attrayante en utilisant de belles images et de belles vidéos. Il est aussi important de jouer pleinement la carte des réseaux sociaux."

Quelle technologie, innovation ou tendance offre la plus grande opportunité et pourquoi ?

Isabel: "Le grand facteur d’innovation est principalement la variété des finitions de la pierre naturelle. Si vous voyez du granit en finition antidérapante ou cuir, cela change totalement la pierre. Aujourd'hui, le secteur innove au niveau des finitions.

Il est à craindre que l'année 2024 soit différente en raison de la crise économique.

Quelles sont les priorités de votre entreprise ou organisation, qu'espérez-vous atteindre et allez-vous faire des ajustements dans votre stratégie ?

Isabel : "La BNSA s'engage à fournir un soutien technique au niveau de la pierre naturelle, tel que des tests, des déclarations de performance, des fiches techniques, la plateforme technique et fournit également un soutien marketing. Elle fait la promotion de la pierre naturelle sous toutes ses formes à l'aide de photos, du livre sur la pierre naturelle, mais aussi de vidéos et de marketing numérique..."

Qu'attendez-vous de l'économie en 2024 ?

Isabel : "On ressent encore le contrecoup de la pandémie, une période de pic que nous ne parvenons plus à égaler aujourd'hui. On peut comparer l'année dernière avec l'année qui a précédé le coronavirus. Il est à craindre que l'année 2024 soit différente en raison de la crise économique, mais j’espère une stagnation et une continuité. La pierre naturelle s'est avérée être un marché de niche, opérant dans le niveau plus haut de gamme, et moins sensible à la conjoncture économique. L'avantage est que les prix des conteneurs ont chuté massivement, ce qui a rétabli les lignes d'approvisionnement avec la Chine et le Viêt Nam.

Votre opinion en une phrase ?

• Intelligence artificielle: Un bon complément à notre propre intelligence.
• Mondialisation : Bien mais moins durable.
• Durabilité : Il faut s'engager et informer.
• Client du futur : Choix conscients, privilégie la qualité.
• Logements plus petits : La voie à suivre, avec des matériaux de qualité et durables !

Filip van Keirsbilck - West-Vlaams Tegelhuis

Quel est le plus grand défi pour le secteur du carrelage ou de la pierre naturelle ? Et quelle est, selon vous, la bonne approche ?

Filip: "La tendance aux carreaux de grand format représente un défi pour la pose, mais exige aussi d’investir dans des machines adaptées. Afin de pouvoir les découper correctement. Cette automatisation devient de plus en plus importante pour maintenir la vitesse et la précision, mais nous devons également nous concentrer sur la formation des entrepreneurs pour qu'ils puissent les manipuler et les poser correctement. Nous constatons que certains sont parfois effrayés par le risque de casse, alors que d’autres savent déjà bien les manipuler."

"En tant que négociant, nous devons également bien réfléchir à l'équilibre de l'offre entre les carreaux sur mesure et les formats standard. Dans le secteur de la céramique, nous constatons une baisse du volume, en raison de la tendance à la réduction de la taille des logements et de la concurrence accrue d'autres finitions de sol. Il va falloir contrer cette tendance en proposant des carreaux de meilleure qualité pour progresser ou au moins maintenir le statu quo."

Quelle technologie, innovation ou tendance offre la plus grande opportunité et pourquoi ?

Filip: "La perméabilité à l'eau se profile comme une tendance majeure, ce qui plaide en faveur de la technologie des carreaux sur plots avec des joints ouverts et des surfaces non pavées. J'y vois un solide potentiel. Aujourd'hui, ce sont les communes elles-mêmes qui décident d'approuver ou non ce type de projet, et nous devons donc travailler avec le CSTC à une normalisation générale qui apporte de la clarté. Aux Pays-Bas, les joints perméables ne posent aucun problème."

Nous devons évoluer vers des normes claires pour les technologies relatives à la perméabilité à l'eau.

Quelles sont les priorités de votre entreprise ou organisation, qu'espérez-vous atteindre et allez-vous faire des ajustements dans votre stratégie ?

Filip : "L'automatisation et les investissements dans les machines, comme nous l’avons déjà fait pour la tendance XXL. Il y a environ quatre ans, nous avons entièrement rénové notre atelier en l'équipant des toutes dernières machines de pointe pour réaliser des travaux sur mesure en dalles de céramique, en matériaux composites et en pierre naturelle."

Qu'attendez-vous de l'économie en 2024 ?

Filip : "Il va y avoir un ralentissement, c’est inévitable. Mais je vois deux choses qui apportent un peu de positif : les clients qui investissent dans de l’immobilier à louer et ceux qui achètent des résidences secondaires à des fins récréatives, par exemple sur la côte. Ces personnes disposent d'un capital qui ne dépend pas d’un crédit et sont moins impactées par les taux d'intérêt élevés et les incertitudes actuelles. L'obligation de rénovation dans les cinq ans dans le cadre de la politique en matière de PEB va également stimuler l’activité dans la construction. Les promoteurs immobiliers continueront d'acheter, mais ils attendront pour lancer des projets."

Votre opinion en une phrase ?

• Intelligence artificielle : Dans l’air du temps.
• Mondialisation : Impossible à arrêter.
• Durabilité : Un sujet d’actualité.
• Client du futur : Pense en concepts globaux.
• Logements plus petits : C'est déjà le cas dans les constructions neuves.

Eddy Indesteege - Pieterman

Quel est le plus grand défi pour le secteur du carrelage ou de la pierre naturelle ? Et quelle est, selon vous, la bonne approche ?

Eddy: "Le plus grand défi est de suivre l'évolution de la technologie et de développer et préserver cette connaissance en interne. Suivre l'évolution des matériaux et bien les connaître pour répondre aux demandes des architectes. Nous allons devoir consacrer plus de temps à la formation des travailleurs du secteur et leur donner l'espace nécessaire pour se développer dans ce domaine."

Quelle technologie, innovation ou tendance offre la plus grande opportunité et pourquoi ?

Eddy: "L'optimisation du stockage. Slab vision, l’outil de numérisation des matériaux, est en plein essor. Nous nous dirigeons progressivement vers un entrepôt automatisé, afin d'accroître l'efficacité. L'offre a également énormément progressé, tant dans le domaine de la pierre naturelle que dans celui de la céramique, et le marbre revient également sur le devant de la scène. Il faut encadrer tout cela".

Je pense que nous aurons davantage de production au Benelux.

Quelles sont les priorités de votre entreprise ou organisation, qu'espérez-vous atteindre et allez-vous faire des ajustements dans votre stratégie ?

Eddy: "Un changement de cap n'est pas vraiment nécessaire, car le marché nous connaît. Et tout le monde sait qu’épauler les clients fait partie intégrante de notre approche. Touchons du bois, mais les ventes sont bonnes pour l’instant, le changement ne s’impose donc pas. Nous n’avons pas à nous plaindre."

Qu'attendez-vous de l'économie en 2024 ?

Eddy: "Le boom de ces dernières années va se rectifier de lui-même. Mais je ne pense pas que ce soit anormal non plus. Avec les taux d'intérêt, les guerres, les questions autour de l'Amérique, il est difficile de faire des prévisions. Néanmoins, je pense que nous aurons davantage de production au Benelux, en raison de la situation difficile avec la Chine. Ce qui peut être profitable à l'industrie des machines."

Votre opinion en une phrase ?

• Intelligence artificielle : Il reste encore beaucoup de travail au niveau législatif.
• Mondialisation : Comme je le disais, l'industrie manufacturière repart.
• Durabilité : Il reste beaucoup à faire.
• Client du futur : Critique, mais juste.
• Logements plus petits : Ce n'est pas dans les gènes belges.

Patrick Deprez - Schlüter

Quel est le plus grand défi pour le secteur du carrelage ou de la pierre naturelle et quelle est, selon vous, la bonne approche ?

Patrick: "Pour le secteur de la construction en général, c'est l'emploi. Les gens qui quittent le secteur sont actuellement beaucoup plus nombreux que ceux qui y entrent. Une politique de formation appropriée est cruciale pour trouver suffisamment d'employés motivés qui façonneront l'avenir de la construction. Les principaux défis pour le carrelage et la pierre naturelle sont directement liés à cela. Il est impératif de trouver des carreleurs jeunes, motivés et passionnés. Et de les former correctement, pour leur permettre de suivre les développements techniques énormes du métier et des matériaux."

"D’autre part, les développements en matière de circularité pourraient bouleverser l'industrie du carrelage, si nous trouvons des moyens de poser les carreaux différemment. La construction modulaire entraînera également des changements sur le marché, avec peut-être une évolution du commerce traditionnel. On imagine aussi fort bien la construction se déplacer des chantiers vers les ateliers. Aujourd’hui déjà, on a des salles de bains ou des panneaux de carrelage finis qui sont entièrement produits en usine pour être ensuite montés sur le chantier."

Quelle technologie, innovation ou tendance offre la plus grande opportunité et pourquoi ?

Patrick: "L'économie d'énergie dans les bâtiments se profile comme une tendance claire, avec des systèmes réfléchis et économes en énergie tels que notre système innovant de chauffage par le sol qui suscite beaucoup d’intérêt. Depuis plus de 20 ans, nous vantons les mérites d'un chauffage par le sol réactif, qui ne fonctionne que lorsque c'est nécessaire."

Les développements en matière de circularité pourraient bouleverser l'industrie du carrelage

Quelles sont les priorités de votre entreprise ou organisation, qu'espérez-vous atteindre et allez-vous faire des ajustements dans votre stratégie ?  

Patrick: "Nous misons pleinement sur le transfert de connaissances par le biais de formations. Celles-ci vont bien au-delà de la simple présentation de nos profils et de nos systèmes. Nous essayons d'apporter une vision globale de ce qui affecte la pose de carreaux, afin d’élargir les connaissances et permettre au carreleur d'avoir un regard critique sur les nouveaux développements."

"En tant que fabricant allemand, nous travaillons en priorité sur l'empreinte écologique de nos produits, afin de la maintenir aussi basse que possible. Nos processus de production sont bien réfléchis et nous essayons de maximiser le recyclage. À quoi s’ajoute un troisième pilier : notre circuit de vente, qui passe par le commerce. Nous ciblons activement le marché en informant les particuliers, les architectes, les transformateurs et le commerce de nos solutions et systèmes. La vente s'effectue par l'intermédiaire de négociants en matériaux de construction et en carrelages, ainsi que du marché professionnel de la construction. Nous ne dérogeons pas à cette règle, même si la demande d'achat direct est plus forte que jamais. Enfin, nous misons également sur les réseaux sociaux et la communication en ligne."

Qu'attendez-vous de l'économie en 2024 ?

Patrick: "Nous n'avons pas de boule de cristal, mais les tendances qui se dessinent sont assez claires : le marché de la rénovation se maintient, le marché de la construction neuve a fortement chuté et ne se redressera pas immédiatement en 2024. Nous ne prévoyons pas de forte croissance pour l'année prochaine, mais pas de déclin marqué non plus. La prudence reste de mise, mais les entreprises qui ont une vision, qui savent ce qu'elles représentent, quel public elles veulent toucher et comment s'y prendre, seront peu affectées par le ralentissement de l'économie en 2024. D’ailleurs, ces entreprises investissent déjà massivement pour être prêtes lorsque la construction reprendra".

Votre opinion en une phrase ?

• Intelligence artificielle : Une "technologie clé" qui va changer - lire : simplifier - nos vies.
• Mondialisation : Elle a atteint ses limites lors de la crise du coronavirus et des matériaux.
• Durabilité : Outre les mesures environnementales, les mesures humaines, sociales et économiques doivent être proportionnées afin que les entreprises et les travailleurs puissent évoluer ensemble.
• Client du futur : Est et reste le maître d’ouvrage, qu'il soit privé ou non, qui veut avoir réponse à ses besoins.
• Logements plus petits : C'est une possibilité en Belgique, en utilisant les espaces disponibles de manière plus efficace.

Frederick Rigole - Grubau

Quel est le plus grand défi pour le secteur de la pierre et quelle est, selon vous, la bonne approche ?

Frederik: "Trouver du personnel de qualité sera la priorité numéro un pour la plupart des entreprises. En ce qui concerne le secteur de la pierre, les gens ont encore une mauvaise perception de nos activités. Ils ont cette image un peu "médiévale", alors que nous sommes des entreprises modernes. Nous essayons nous-mêmes d'offrir une solution en proposant des formations, tant pour Grubau que pour nos clients. L'objectif est de permettre au secteur de recruter plus largement, afin d’injecter plus rapidement des personnes compétentes dans le circuit.”

Quelle technologie, innovation ou tendance offre la plus grande opportunité et pourquoi ?

Frederik: "Je vois deux choses : l'automatisation et le quartzite. Beaucoup de nos clients commencent à rêver de robotisation et d'automatisation. Certains travaillent déjà avec des bras robotisés, mais ils réfléchissent à d’autres façons d’automatiser, par exemple, la taille de la pierre. D'autant plus qu'ils constatent que cela fonctionne parfaitement dans d'autres secteurs. Dans le nôtre, cela a du mal à décoller, notamment parce qu'il s'agit généralement de travail sur mesure et que la finesse de la finition reste importante."

"Il y a aussi l'émergence du quartzite, la pierre naturelle la plus dure qui soit. Longtemps un peu 'oublié', le quartzite est aujourd'hui en plein essor car il combine les avantages de la céramique avec ceux du marbre et du granit. C'est également intéressant pour nous car cela crée un nouveau marché pour les lames de scie, les forets et les outils pour les machines CNC".

Longtemps un peu 'oublié', le quartzite est aujourd'hui en plein essor

Quelles sont les priorités de votre entreprise ou organisation, qu'espérez-vous atteindre et allez-vous faire des ajustements dans votre stratégie ?

Frederik: " Nous voulons continuer à optimiser la digitalisation que nous avons initiée en 2017 en vue d'une gestion des stocks et d'une politique de prix toujours précises. Y compris un site d’e-commerce qui va bien au-delà de la vente. Avec notre nouveau bâtiment, nous voulons également miser davantage sur l'expérience client et pour cela, l'espace de formation et de démonstration constitue un atout supplémentaire."

Qu'attendez-vous de l'économie en 2024 ?

Frederik: "Malgré la pandémie et la situation économique mondiale, la construction a fait de bonnes affaires ces dernières années. Mais peut-être qu’une période plus difficile se profile ? Les intérêts, l'inflation, les frais de personnel, les matières premières... tout est devenu beaucoup plus cher. Le revenu disponible a diminué et les gens sont devenus beaucoup plus prudents lorsqu'il s'agit d'investir dans une nouvelle construction ou une rénovation. Mais il y a un avantage : le Belge a une brique dans le ventre et tôt ou tard, il y reviendra."

Votre opinion en une phrase ?

• Intelligence artificielle : Elle est devenue incontournable.
• Durabilité : Indispensable.