Présentation de la rénovation d'un magnifique sol en mosaïque de pierre naturelle

Rendre au bâtiment son caractère historique

Depuis la nuit des temps, les carrelages de sol au rez-de-chaussée de ce bâtiment classé étaient constitués de mosaïques de marbre pur, associées à un plancher en chêne rustique dans le séjour ainsi qu’à une véranda attenante orientée au sud. Les impressionnantes baies vitrées reflètent un sol traditionnel en terrazzo dont l’âme est encore palpable. Un liseré ornemental avec des éventails en mosaïque taillée à la main, en marbres de différentes couleurs, y accentue ce mariage d’artisanat et d’art.

Vu que certaines zones de passage avaient un besoin urgent d’être réparées après toutes ces années d'usage intensif, le maître de l’ouvrage a décidé de faire restaurer l'ensemble de cet espace de détente vitré. La seule question était de savoir qui pourrait encore préserver la singularité historique de ce carrelage artistique.

Après une brève recherche, le choix s’est porté sur l’artiste mosaïste chevronné Gino Tondat qui, en compagnie de son épouse, dirige désormais l’entreprise spécialisée Mosaico di Due.

Qui est Gino Tondat?

De mère flamande et de père italien, Gino Tondat, qui vit à Eeklo, est né le 8 décembre 1959 et a quitté le pays pour l’Italie à l'âge de 13 ans pour aller étudier à la célèbre Scuola mosaicisti del Friuli, une académie de renommée internationale située dans la province de Pordenone. Quatre ans plus tard, il devenait le plus jeune ‘Maestro di mosaico’ jamais diplômé. S'inspirant de la citation de son idole Domenico Ghirlandaio ‘La mosaïque est une peinture pour l'éternité’, Mosaico di Due donne une nouvelle vie à l'histoire.

Un travail de spécialiste nécessite des connaissances

L'originalité d'une œuvre historique, la connaissance des matériaux s’avère primordiale. Il faut connaître la différence entre les diverses variétés de marbre et leurs propriétés.

En marge du célèbre ‘vero marmo di Carrara’, nous disposons également en Belgique de plusieurs carrières de marbre de renommée mondiale: Rouge Royal, Gris des Ardennes, Impérial et Noir Belge. Parfois, notre propre pierre bleue est considérée comme du semi-marbre, car il s'agit en fait d'un calcaire foncé (roche sédimentaire) qui, en fait, n'appartient donc pas à la catégorie des roches métamorphiques. Néanmoins, on en retrouve souvent dans les édifices séculaires.

Les pierres naturelles sont divisées en trois groupes différents:

• A. Les roches magmatiques ou ignées. Ce groupe est à nouveau subdivisé en trois classes de roches:
  • Les roches volcaniques effusives comme, par exemple, le basalte
  • Les roches semi-intrusives comme, par exemple, le porphyre
  • Les roches intrusives comme, par exemple, le granit
• B. Les roches sédimentaires Comme, par exemple, notre propre pierre bleue belge foncée ou ‘Petit Granit’.
• C. Les roches métamorphiques Comme par exemple le marbre, la variété la plus utilisée par les maîtres mosaïstes.

Comment rénove-t-on un projet en marbre?

La phase préparatoire d'une restauration de marbre consiste toujours à rechercher les blocs ou tranches de pierre naturelle appropriés. Ceux-ci sont généralement sélectionnés en Italie dans les carrières de Carrare, après quoi les pièces sont débitées manuellement une à une. Le marbre, avec ses nuances de couleurs attrayantes, constitue notamment une roche métamorphique assez homogène et compacte et est relativement facile à travailler à la main. Dans le cas présent, Gino a opté pour des marbres provenant des carrières de Carrare en Italie.

Après l'étude et la sélection, les figures ou modèles sont d'abord reportés très précisément sur du papier calque en polyester dans l'atelier. Une fois ce travail de dessin terminé débute la taille sur mesure des pièces en pierre naturelle, dans la bonne couleur et dans le bon ordre.

Au milieu de la véranda se dresse un gros bloc à tailler avec un tranchet intégré (le ‘tagliolo’). Une jeune stagiaire – Myrthe, la fille de Gino et Sarah – s’y affaire avec un marteau spécial (la ‘martellina’), dans le respect de la tradition italienne. La taille des pierres requiert beaucoup d'entraînement et de patience, mais on remarque bien vite que Myrthe maîtrise la technique. La rapidité et la précision avec lesquelles elle donne aux pierres la forme requise trahissent un talent héréditaire.

Une fois toutes les pierres taillées, les figures sont collées en miroir sur du papier cellulose. Cette technique est ainsi comparable à l'assemblage d'un puzzle fait par soi-même, qui prend forme pièce par pièce et avec la précision nécessaire. Ce type de techniques de restauration ne s’apprend plus nulle part, à une exception près.

Si vous demandez à un carreleur traditionnel quelle est la meilleure façon de poser de la mosaïque de pierre naturelle, plusieurs méthodes de pose sont possibles:

• La méthode traditionnelle au mortier dans un lit de sable/ciment
• Le mortier à enduire sur une chape fraîche
• La barbotine de ciment sur une chape fraîche appliquée de niveau
• La méthode de collage en lit mince, moyen ou épais sur un support durci
• La colle liquide spéciale ‘frais sur frais’
• Le ciment épandu sur du mortier de chape fraîchement appliqué
• Le collage par étalement dans un lit de mortier traditionnel

Mais la véritable technique, c’est sur ce chantier à Bruges que nous l’avons découverte. Les compositions de colle ou de mortier que le carreleur prépare sur place pour garantir l’adhérence parfaite des mosaïques de marbre sont toujours adaptées à l'état existant du carrelage. Les éventuelles efflorescences (lisez le risque de formation de taches) du matériau sont toujours étudiées et testées au préalable, afin de pouvoir adapter la couleur du ciment de façon proportionnelle, en tenant également compte de la composition de la couleur du joint d’origine.

Il est ainsi possible de mélanger certaines sortes de ciment gris avec du ciment blanc, pour autant qu'ils soient compatibles. Non seulement pour des raisons esthétiques, mais aussi parce que, apparemment, le ciment blanc se rétracte moins que le ciment gris traditionnel et parce que le risque de changement de couleur sur le marbre après durcissement serait beaucoup plus minime.

Et lorsque l'on peut marier mosaïque de marbre et terrazzo avec passion et compétence dans un carrelage historique original, tel celui que nous avons pu voir de nos propres yeux, cela ne peut que donner un résultat d’une incroyable beauté. "La mosaïque fait partie de l'histoire", affirment en chœur Gino Tondat et son frère Nino. Longue vie aux artistes, en adressant un clin d'œil reconnaissant au père Romano. Grazie mille!