Des carreaux endommagés et des fissures dans les joints donnent lieu à une expertise
Contexte et cause de l'expertise
Peu de temps après la pose du carrelage, la maîtresse de maison a entendu des sons creux en marchant sur le sol avec ses talons et a remarqué quelques carreaux endommagés ainsi que des petites fissures ci et là le long des joints. Dans la salle de bains également, certains carreaux muraux sonnaient creux. La finition générale laissait partout à désirer. Les propriétaires ont également constaté que la dalle de béton de la terrasse adjacente, qui devait encore être carrelée, était très sale et qu'une grande flaque d’eau y stagnait après chaque averse.
Bref, quatre zones pour lesquelles le client voulait se retourner contre l'entrepreneur. Ce dernier ayant chaque fois fait faux bond pour résoudre les problèmes, les propriétaires ont fait appel à un expert spécialisé en ‘Gros Œuvre et Parachèvement’ pour vérifier si des erreurs techniques avaient réellement été commises.
Aucun consensus n'ayant pu être trouvé avec l’entrepreneur, il a été demandé à l'expert d’élaborer un rapport, qui pourrait déboucher sur une expertise judiciaire. Mais, tout d'abord, d’effectuer une expertise amiable.
Résultats de l'expertise amiable
Voici le contenu du rapport de l'expert:
Rez-de-chaussée
Après avoir demandé si le chauffage par le sol avait été mis en route avant la pose des carreaux, le spécialiste a procédé à un examen technique. Voici une énumération des défauts constatés au rez-de-chaussée:
- Ci et là dans le séjour ont été constatés des sons creux sous le carrelage.
- Dans ces zones, certains joints liés au ciment entre les carreaux – d’ailleurs pas toujours de même largeur – se détérioraient.
- Certains carreaux dans le living arboraient un petit cratère qui avait été rempli de mortier de jointoiement.
- Quelques carreaux découpés avaient éclaté dans les coins. Là aussi, des sons creux étaient audibles à hauteur de la formation des fissures lors des tests par tapotement.
- Ci et là, des différences de niveau ont été mesurées entre carreaux adjacents.
- Bizarrement, aucun joint de mouvement n’était présent nulle part. Un léger gonflement au centre du living indiquait que le carrelage était sous tension.
- Assez curieusement, le carreleur avait mastiqué la partie supérieure des plinthes, et pas la partie inférieure au niveau de la jonction avec le sol comme cela se fait d’habitude. Le masticage de la partie supérieure des plinthes doit généralement être effectué par le peintre ou le poseur du papier peint, après application de la couche finale.
Finition de l'escalier
La finition globale des marches de l’escalier laissait fortement à désirer. Tant les marches que les contremarches avaient été mastiquées de façon non-professionnelle. Elles sonnaient creux et les joints de raccordement se dégradaient
Etage
La finition esthétiquement inacceptable des carreaux muraux au-dessus de la baignoire accentuait les contours des carreaux. Quelques constatations
- Des découpes dentelées suite à l'utilisation du mauvais disque.
- Des largeurs de joints cunéiformes, car la perpendicularité et l’aplomb des murs n'avaient pas été contrôlées au préalable.
- Mortier des joints qui s’effrite.
- Profilé de finition manquant sur le côté des carreaux posés juste au-dessus de la baignoire.
- Le receveur de la cabine de douche adjacente n’avait pas été fixé en partie frontale (mouvements verticaux en pénétrant dans la douche) et le joint élastique commençait à se fissurer. Des infiltrations d'eau à court terme étaient ainsi réellement possibles.
Lors de la descente sur les lieux, la partie adverse a affirmé à tort qu'un joint sanitaire servait uniquement à compenser de tels phénomènes. Dans le cas présent, le joint de mastic ne servait pas purement à ponter les fissures, mais aussi et surtout à assurer l'étanchéité à hauteur des bords.
En outre, les carreaux d’ajustement à l'extérieur du receveur de douche, le long de la baie vitrée, avaient été découpés et jointoyés de façon très peu soignée.
Terrasse
L'expert a remarqué que la dalle de béton coulée pour la terrasse à carreler était de piètre qualité et, de plus, était ‘de niveau’. Des photos montrent que beaucoup d'eau de pluie continuait de stagner au centre de la dalle, même longtemps après les averses. Cela pourrait nuire à la durabilité du carrelage, qui doit présenter une pente d'au moins 1,5%, associée à un système de drainage efficace.
Nous nous référons ici à la NIT 276 du CSTC, et plus précisément au chapitre 2.2.3 Dalle de béton existante: "pente de la dalle: une dalle en béton servant de support à un complexe carrelé (pas d’encollage direct sur la dalle) doit, si elle n’est pas constituée d’un béton drainant, avoir une pente de minimum 2% disposée de manière telle que les eaux pluviales s’écoulent dans le sens opposé aux façades du bâtiment".
Conclusion et possibilités de réparation
Vu le pourcentage de sons creux plutôt faible, il était encore possible, selon l’expert de réparer les carreaux de sol sonnant creux, à condition de commencer par réaliser les joints de dilatation nécessaires et d'appliquer une technique d'injection innovante avec une résine liquide bicomposante. Cette dernière solution permettrait d'éviter de démonter les îlots de cuisine et le mobilier fixe.
Autres questions à traiter:
- Les plinthes doivent être mastiquées en partie inférieure, comme il se doit, avec le jeu nécessaire d'au moins 3 mm.
- Les carreaux fissurés et endommagés doivent être remplacés.
- Tous les joints en silicone de l’escalier doivent être refaits.
- Il est évident que les profilés de finition manquants à hauteur de la baignoire doivent être installés.
- Le receveur de douche doit être fixé pour éviter tout dégât supplémentaire.
- Les joints se dégradant doivent être réparés dans la même couleur.
- La dalle en béton de la terrasse, par contre, doit être totalement retirée et devra être re-coulée en veillant à ce qu’elle soit suffisamment perméable à l'eau et réalisée en pente dans les règles de l'art.
Flirter avec les tolérances comme les différences de largeur des joints, les différences de niveau entre carreaux adjacents ainsi que la présence de plusieurs cratères et dégradations à la surface des carreaux clairement camouflés avec du mortier de jointoiement indiquaient que les travaux n’avaient pas été réalisés par un carreleur spécialisé. C’était d’autant plus évident quand on voit qu'un profilé de finition avait été installé sur un côté de la baignoire et pas sur l'autre. Tous les joints, tant à l’étage qu’au rez-de-chaussée, avaient également été parachevés de façon non-professionnelle et présentaient des différences de couleur esthétiquement très gênantes. Sur ce chantier, tant l'esthétique que la technique avaient été négligés, mais celles-ci restaient cependant encore dans les limites de certaines valeurs de tolérance.
Selon les exigences en vigueur actuellement, les ‘tolérances’ autorisées sont, dans certains cas, encore beaucoup trop larges. Il reste donc encore beaucoup de pain sur la planche pour les comités techniques officiels nationaux et internationaux.
Si cela ne tenait qu’à l’expert, le carreleur aurait pratiquement pu tout refaire.
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