Les terrasses extérieures en pierre naturelle: pas pour les amateurs

Dès que le soleil pointe le bout de son nez, notre attention se porte spontanément sur le jardin, la terrasse, voire éventuellement la construction d'une piscine. Bref, des pensées relaxantes. Il n’en allait pas autrement chez le particulier concerné par le cas pratique abordé ci-après. Désireux de renouveler sa terrasse de jardin, celui-ci avait opté pour un lifting complet de son jardin avec piscine et terrasse attenante en pierre bleue.

Le propriétaire avait choisi de faire appel à un entrepreneur de jardins pour s'occuper de toutes les facettes de la rénovation du jardin. Ce qui devait permettre au maître d’ouvrage de centraliser tous les travaux et d’avoir un seul et même interlocuteur. "Facile, un jeu d’enfant!" Du moins, c'est ce qu'il pensait...

Avec la faillite du sous-traitant chargé du cabanon de piscine, la ‘loi de Murphy’ allait commencer à sévir. A l’instar de toutes les margelles autour de la piscine, pratiquement toutes les dalles en pierre bleue (tout de même 120 m² réalisés avec un format 80 x 80 x 2 cm) présentaient de nombreuses taches. Il était temps de tirer la sonnette d'alarme.

Après avoir contacté le poseur – il s’est avéré plus tard que celui-ci n’était pas un véritable carreleur –, on a constaté que ce sous-traitant avait posé toutes les dalles en pierre naturelle sur des plots de mortier gris. La volonté de l'entrepreneur principal de remplacer toutes les dalles endommagées a aggravé la situation. Les dalles remplacées étaient de couleur beaucoup plus foncée et présentaient également des taches en surface. Le moment était venu de faire des recherches sur Internet et de quérir un ‘troisième’ avis.

Appel à un spécialiste

Après les travaux de réparation, le propriétaire avait totalement perdu confiance en son entrepreneur et s’est mis en quête de documentation pertinente sur la pose correcte de terrasses sur terre-plein. Après quelques recherches, il est tombé sur le manuel 'Le Carreleur' de Constructiv (anciennement FFC - Fonds de formation professionnelle de la Construction).

Dans lequel il a pu lire que la façon de travailler de son entrepreneur de jardins était tout sauf conforme aux directives de pose décrites dans ce manuel. Dans ce cas, la seule façon de découvrir la vérité consistait à faire appel à un tiers, de préférence un spécialiste en la matière, un expert en carrelage.

Fiche technique

Après avoir demandé l’attestation DoP ou la fiche technique, impossible de produire celles-ci immédiatement.

→ L’attestation DoP (Declaration of Performance): conformément au Règlement européen ‘Produits de Construction’,  l'industrie en amont (fabricants, importateurs et distributeurs) est obligée, depuis le 1er juillet 2013, de fournir une telle déclaration de performances. Cette attestation fournit des informations sur les principales performances du produit et son utilisation escomptée. Cette déclaration de performances prouve que le produit satisfait aux performances requises pour des applications spécifiques lors de son lancement sur le marché et de sa distribution ultérieure. Cela s’avère tout aussi important pour la responsabilité du producteur.

→ La fiche technique, quant à elle, est une sorte de passeport de la dalle ou carreau qui renseigne toutes ses performances comme, dans le cas présent, la résistance au gel, le coefficient d'absorption d'eau, la résistance à la rupture, etc.

Après avoir insisté, l'expert a finalement obtenu une fiche générale de la pierre bleue fournie, mais sans dénomination spécifique ni numéro de référence. Après quelques recherches, l'expert a réussi à savoir de quelle pierre il s'agissait réellement: une pierre bleue asiatique, en provenance de Chine. Bref, du calcaire pur!

Investigation sur place

Vu que l'expert ne souhaitait pas se prononcer uniquement sur la base du matériel photographique préalablement reçu par courrier électronique, une expertise a été organisée sur le chantier proprement dit. À sa grande surprise, le dallage posé depuis l'automne 2022 n'avait pas encore été jointoyé. Certaines zones étaient en effet de couleur beaucoup plus foncée et les joints de dilatation avaient été incisés en diagonale. Après avoir testé la surface de contact, 90% de toutes les dalles contrôlées sonnaient creux. Outre des taches très visibles, les parties qui avaient déjà été remplacées émettaient elles aussi, ci et là, des sons creux.

En outre, l'expert a constaté les anomalies suivantes:

- La structure de la terrasse se composait uniquement d'une chape au ciment de 25 cm d'épaisseur, non-armée et coulée directement sur terre-plein.

- Il n'y avait pas de natte de désolidarisation drainante sous les dalles (grands formats!).

- Les découpes avaient été bâclées. Après avoir contrôlé l’alignement avec une latte de 2 mètres, il s'avérait que la ligne de joints déviait et présentait des écarts jusqu'à 5 millimètres.

- Les joints de dilatation avaient été intégrés en diagonale, ce qui n'aurait par essence été d’aucune utilité pour le dallage en cas de dilatation ou retrait. De plus, ceux-ci avaient été réalisés beaucoup trop minces (2 à 3 mm maximum).

- La pente (inclinaison) de la terrasse était inférieure à 1% (1 centimètre par mètre), alors que celle-ci doit de préférence être de 1,5%.

Formation de flaques

Ce dernier phénomène signifie que l'eau de pluie stagnera sur place et s’infiltrera lentement à travers les joints. En cas de dalles n’ayant pas été collées en plein à 100%, l'humidité se frayera un chemin à travers les cavités sous celles-ci, ce qui pourrait expliquer la formation globale de taches. L'utilisation de ciment gris dans le mortier qui réagit avec le calcaire constitue généralement une seconde cause de formation d’efflorescences, ce qui était également le cas ici.

L'expert a décidé, en s’appuyant sur l’exécution non-professionnelle, de refuser intégralement les margelles de piscine incorrectement posées ainsi que la totalité de la terrasse à partir du coffrage de l'ensemble.

Morale de l’histoire? A chacun son métier...! Dans ce cas, il était archi-évident que l'entrepreneur de jardins concerné n'était pas compétent pour poser un revêtement de sol durable en dalles de pierre naturelle en extérieur...

Pierre naturelle ou... pierre naturelle ?

L’étude de cas ci-dessus montre qu'il est extrêmement important de connaître les caractéristiques d'une pierre naturelle afin d’estimer correctement ses utilisations et affectations possibles. L'erreur classique est qu'en raison de la couleur foncée de la pierre bleue, les entrepreneurs pensent souvent qu'ils ne doivent pas être aussi respectueux des directives de pose et comparent spontanément ce calcaire à un granit dur.

Passons en revue les différentes variétés.

Géologiquement, la pierre naturelle est classée en trois groupes différents, les roches magmatiques ou ignées étant à leur tour encore subdivisées en trois autres groupes:

I) ROCHES MAGMATIQUES (ou roches ignées)
Ces roches sont le fruit de la solidification d'une roche liquide (la lave).

Ia) Les roches volcaniques effusives: basalte, pierre ponce…
Ib) Les roches semi-intrusives: porphyre, diorite...
Ic) Les roches intrusives: granit...

II) ROCHES SÉDIMENTAIRES
Ces roches se sont formées par sédimentation ou dépôt de matériaux détritiques, provenant des roches magmatiques, entraînés par l’eau à la surface de la terre. Cette classe comprend le calcaire (comme par ex. le 'Petit Granit').

III) ROCHES MÉTAMORPHIQUES
Ces roches se sont formées par la transformation de roches sédimentaires, roches magmatiques et autres roches métamorphiques à température et/ou pression élevées, comme dans une formation montagneuse. Cette classe comprend le marbre, le quartzite, le schiste, le gneiss...

Outre cette classification scientifique, on utilise également dans la pratique des classifications commerciales, comme pour le GRANIT par exemple. Ce terme générique comprend tant des roches intrusives (subdivision des roches magmatiques ) que des roches métamorphiques (gneiss, migmatites) dans une riche palette de couleurs. Les gneiss, surtout, arborent un jeu de couleurs unique chaque fois différent d’un carreau ou d’une tranche à l’autre.

Granit

Le granit possède des propriétés techniques intéressantes. Ce produit naturel est généralement très dur, avec une faible porosité, résiste à l'eau et aux agressions chimiques, et est résistant au gel et à l'usure. Ce groupe comprend les véritables granits géologiques, les gabbros, les gneiss et les migmatites.

• Les granits géologiques sont reconnaissables à leur structure mouchetée et uniforme. Ils sont principalement constitués de cristaux moyens à grands, qui reflètent également la couleur. Le granit peut subir toutes sortes de traitements de surface, tels que polissage, martelage, flammage, adoucissement, ponçage, sablage, etc. La plupart des couleurs sont obtenues par polissage. Les autres traitements donneront à cette pierre naturelle un aspect plus terne. Le fait que certains traitements entraîneront une résistance à la glissance n’est pas négligeable.
   
• Les gabbros sont généralement de couleur unie foncée à noire. On les compte dans la famille des granits parce qu’ils possèdent les mêmes propriétés. Ils ne contiennent pratiquement pas de quartz, de telle sorte que l’éclat de la finition polie peut devenir mat en cas d’usage intensif. Leur couleur foncée amplifie la visibilité de la perte d’éclat.
   
• Les syénites sont des roches intrusives particulières principalement constituées de feldspaths. L'orientation de ces feldspaths et le mode de débitage de la pierre lui confèrent une structure unique constituée de cristaux brillants relativement grands arborant un éclat nacré (comme le célèbre ‘Labrador Bleu’). Résistantes au gel et aux acides, de même qu’à l'usure, ces roches possèdent de solides propriétés mécaniques.
   

• Les gneiss se forment par transformation métamorphique d'autres roches (granit et/ou grès). On les compte parmi les granits parce qu'ils possèdent pratiquement les mêmes caractéristiques. La principale différence par rapport aux variétés de granit réside dans l’orientation très claire de la structure, avec des motifs en forme d'éventail dans différentes couleurs et minéraux.

Schiste

Le SCHISTE constitue une seconde pierre bien connue. Les schistes présentent une stratification très marquée et se composent de couches très fines. Dans les carrières, ils sont extraits sous forme de flagstones ou plaques fines. Ces plaques fines sont à leur tour encore fendues à plusieurs reprises jusqu'à obtention de l’épaisseur souhaitée. En raison de leur surface fendue naturellement, ils possèdent un aspect rugueux.

Le schiste ou ardoise peut être immédiatement appliqué comme matériau de revêtement de sol (les plaques fines sont débitées en dalles). En raison de leur extraction, les schistes ne présentent pas une grande stabilité dimensionnelle. C'est pourquoi leurs épaisseurs diffèrent souvent. Vu qu'ils sont principalement constitués d'argile, ils sont également assez tendres. L'usure et l'écaillage se produisent donc assez facilement, mais un traitement de surface (imprégnation) permettra d’éviter quelque peu ce problème.

Marbre et pierre bleue

Le MARBRE est une roche métamorphique formée à partir de CALCAIRE (roche sédimentaire) par recristallisation sous une pression et/ou température élevée. La dénomination ‘marbre’ est largement utilisée par les hommes de métier, mais il s'agit en fait d'un calcaire pouvant être poli.

Le calcaire et le marbre ont en commun le fait que tous deux sont presque entièrement formés de chaux (carbonate de calcium) et sont donc peu résistants aux acides. Les deux peuvent également être usinés par polissage, adoucissement, ponçage, bouchardage, etc.

Les marbres sont généralement adoucis ou polis parce que les autres traitements n’ont que peu voire pas d'effet en raison de leur couleur claire.

La différence spécifique entre un marbre et un calcaire réside dans le fait que le calcaire contient souvent des fossiles tandis que les véritables marbres n’en contiennent pas. Le marbre est une pierre naturelle cristalline, homogène et compacte (comme le marbre de Carrare, par exemple). Le calcaire blanc, extrait en France par exemple, s’est formé par agglomération de fossiles et/ou de boulettes de chaux. Les variétés poreuses ne conviennent pas pour des applications extérieures.

La PIERRE BLEUE (petit granit) est un calcaire foncé compact que l'on trouve dans le commerce sous des formes polies à rugueuses. La version vieillie pour les allées et terrasses est d’ailleurs très populaire. Ce calcaire renferme différents fossiles (taches blanches) dans une masse foncée. Des veines et des taches noires (stylolites) sont présentes en raison de la formation naturelle du matériau.

LES CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES DE LA PIERRE NATURELLE réparties en trois catégories

1. Identification: les caractéristiques importantes pour identifier les propriétés du matériau brut.

2. Performances à l'usage: les caractéristiques qui permettent d’évaluer les performances du matériau une fois le produit fini posé.

3. Durabilité: les caractéristiques qui permettent de prévoir le comportement de l'élément en pierre dans le temps et sa stabilité par rapport à ses performances initiales.