L’aménagement d’une terrasse alliant pierre naturelle et céramique tourne mal
Expert ou spécialiste ?
Les produits, les systèmes et les techniques évoluent à une vitesse fulgurante, contraignant quasiment le carreleur professionnel à se former chaque année. En témoigne ce que l'on voit sur le terrain : le train de l'innovation ne cesse d’accélérer. Les jeunes diplômés reçoivent trop peu de feedback pratique ou de soutien technique spécifique. Quant aux carreleurs confirmés, ils rechignent à déroger à leurs habitudes et ne comprennent pas toujours l'importance de l'innovation. Les erreurs sont plus fréquentes qu'on ne le pense, et l'investissement dans la formation continue ne suffit pas à compenser une installation ratée. Le carrelage extérieur, en particulier, requiert une attention particulière. Et quand les choses tournent mal, cela fait du grabuge...
Options de pose
Quand on parle de revêtement de sol extérieur, on pense généralement aux terrasses de jardin, parfois également appelée "terrasse de plein air". En principe, l'entrepreneur commence par creuser un "coffrage" en pleine terre. Ensuite, la construction se déroule en plusieurs étapes, en tenant compte de la composition et surtout de la stabilité de la couche de base (type de sol, tel que sable, argile...).
Pour le carrelage d'une terrasse, on dénombre cinq techniques de pose courantes :
- La pose à sec non collée sur kift, gravier ou split. Ici, on privilégie les carreaux résistants à des charges importantes, c'est-à-dire suffisamment épais et lourds.
- La méthode au ciment "mouillé-mouillé". On enduit sur le mortier de chape frais mis à niveau un lit de mortier dans lequel les carreaux sont directement enfoncés, parfois à l’aide d’une plaque vibrante. Cette méthode traditionnelle est plutôt déconseillée pour la pose de pierres naturelles poreuses (risque d’efflorescence – formation de taches)
- La pose flottante sur plots. Ce système exclut presque totalement les dommages causés par le gel.
- La technique au mortier traditionnelle est principalement utilisée pour la pose par tapotement de carreaux de pierre naturelle non-calibrés (voir l’article ‘calibré versus rectifié’). Cette méthode permet de compenser facilement les petites différences d’épaisseur.
- Et, enfin, le collage sur une chape durcie résistant à la pression. Cette méthode est essentiellement utilisée pour la pierre naturelle calibrée et les carreaux céramiques, avec une colle à carrelage adaptée au type de carrelage et à l’état du support. Cette méthode, de plus en plus utilisée, permet de limiter l’humidité résiduelle et les risques de formation de taches sur les carreaux et les joints.
Enquête
Après une plainte envoyée par e-mail, la communication entre un particulier et un entrepreneur s'est intensifiée jusqu'à une mise en demeure qui a donné lieu à une expertise. L'affaire concernait la pose d'un sol extérieur alliant des carreaux en pierre naturelle et en céramique. Les anomalies s’avéraient assez importantes. Un an à peine après l'achèvement des travaux, on notait une dégradation des joints et le détachement pur et simple de certaines parties du sol.
Le maître d'ouvrage a fait appel à un expert et a réclamé une enquête. L’expert avait ici trois missions.
Enquête auprès du propriétaire
Le revêtement de sol avait été réalisé en grande partie par deux membres du personnel de l'entrepreneur principal, à savoir un carreleur professionnel et un employé.
Après le signalement des fissures et de la dégradation des joints, l'entrepreneur a répliqué qu'étant donné les filets utilisés et les joints flexibles, les carreaux ne pouvaient pas se détacher. En effet, des "éléments perméables" auraient été utilisés pour prévenir les dommages. Cependant, les problèmes se situaient principalement aux extrémités de la terrasse (très précisément les deux dernières rangées) et aux angles des chemins aménagés autour de la maison, où il n'y avait pas de joints de mouvement.
Après de nombreux appels téléphoniques, e-e-mails et même deux lettres recommandées, l'entrepreneur-carreleur refusait toujours de se déplacer.
Visite visuelle
- Très rapidement l'expert désigné a établi qu'il n'y avait pas de système de drainage efficace en place et que l'eau de pluie s'écoulait simplement dans l’herbe autour de la terrasse. La facture ne mentionnait pas non plus de natte de drainage ni de caniveaux de drainage. Il n’y avait pas non plus de bordure antigel, censée empêcher le gel des premières rangées de carreaux.
- À la jonction entre les carreaux et les sections de mur, les angles où les chemins se croisent et la transition entre les carreaux de céramique et une section en pierre naturelle, il n’y avait aucun joint de dilatation. Pas de profilés, ni même de séparations avec du silicone de dilatation...
- Le Buildwise-Contact 2013/2 stipule clairement au chapitre ‘Fissuration des revêtements de sol extérieurs en carreaux céramiques ou en pierre naturelle’ que "lorsque le revêtement et la chape de pose sont subdivisés par des joints de dilatation délimitant des panneaux de petites surfaces (généralement 15 à 16 m²), que la chape est suffisamment armée et qu'elle peut glisser sans trop de friction sur son support, ces tensions ne sont alors pas suffisamment élevées que pour occasionner une fissuration notable du revêtement."
- La pente ou inclinaison des murs vers la pelouse pour l'évacuation de l'eau de pluie n'était même pas de 1 % dans la plupart des cas.
À titre de référence, l'expert renvoie au dossier 23-3/2009 de Buildwise ‘Rives de terrasses extérieures carrelées sur terre-plein 2009/03.11’ : “Les pentes conseillées sont de l'ordre de 1,5% pour le revêtement carrelé. Et de 2% pour la dalle de béton qui lui sert de support, sauf lorsque celle-ci est constituée d'un béton caverneux drainant (ce qui est toujours à conseiller)."
Enquête destructive
- Avant de retirer un carreau au hasard, l'expert a d'abord vérifié l’absence de sons creux sous le carrelage. En plus de la dégradation des joints de ciment à plusieurs endroits, il a conclu que le sol se détachait effectivement lentement mais sûrement.
- Après avoir enlevé un carreau qui sonnait creux, il a néanmoins constaté à la surprise générale que le transfert d’adhésif était théoriquement suffisant. Cependant, aucune trace de l'application d'une natte de drainage lors du travail de découpe. En effet, le seul endroit où l'eau pouvait s'écouler était l'herbe.
- Malgré la surface de contact suffisante constatée au niveau de la colle, plusieurs mesures calibrées ont montré une humidité de 100 %. Il y avait donc une grande quantité d'eau sous les carreaux !
- La couleur claire du mortier de chape composé de sable fin et de ciment (chape) indiquait une teneur en ciment très faible qui pouvait être préjudiciable à la durabilité (manque de résistance à la compression) du revêtement de sol extérieur. La face de pose des carreaux a vraisemblablement été enduite de colle à carrelage et posée ainsi sur le mortier de chape frais. La chape se décollait simplement avec les doigts !
- Au lieu d’un treillis d’armature en métal inoxydable, l’expert a découvert dans le mortier de chape un simple treillis en plastique. Il s'est donc interrogé sur la fonctionnalité de cette armature souple.
Conclusion
L'expert désigné dans cette affaire a désapprouvé les travaux de carrelage dans leur intégralité. Et comme la confiance dans l’entrepreneur-carreleur était totalement rompue, aucun consensus n'a pu être obtenu par l'intervention du seul conseiller technique. La mise en place d’une transaction (*) était donc exclue.
Dans ce dossier d’expertise, aucun accord n’a malheureusement pu être trouvé entre les deux parties.
(*) Selon l’article 2044 du Code civil belge, une transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit et signé par toutes les parties dans le but de régler mutuellement les dommages subis lorsque, avec l’accord des différentes parties.
Points importants à prendre en compte lors de l'installation d'une terrasse de jardin :
- La température d'exécution doit idéalement se situer entre 5 et 25°C et doit être maintenue pendant minimum 24 heures après la pose. La lumière directe du soleil ou le gel nocturne, par exemple, peuvent avoir un impact négatif sur la résistance à la traction de l'adhésif utilisé.
- Contrôlez le type de sol/support sur lequel la terrasse doit être réalisée. On se basera en moyenne sur une hauteur de structure d'au moins 30 cm, en partant d'une base stable.
- Prévoyez toujours un treillis d’armature inoxydable au centre de la chape, éventuellement avec une quantité adaptée et bien répartie de fibres synthétiques.
- Prévoyez une bordure antigel suffisamment large et profonde tout autour de la terrasse.
- Veillez à ce que le niveau et la pente soient corrects (minimum 1,5%). Ne travaillez jamais au-dessus des ouvertures de ventilation ou de la de la barrière anti-humidité.
- Adaptez la quantité de gros sable de rivière par m³ en fonction de la technique de pose choisie (pose traditionnelle ou collée ?).
- Compactez régulièrement les sous-couches par étapes. C’est très important pour la résistance finale à la compression de l’ensemble (réf. le projet TETRA de Buildwise en collaboration avec l’Université de Gand).
- Efforcez-vous toujours d'obtenir un transfert de colle de 100 %, tant pour la de pose traditionnelle que pour la pose collée ! Pour les pierres naturelles calibrées, on privilégiera aussi la technique du double encollage (méthode dite buttering/floating).
- Choisissez toujours un carreau aux dimensions limitées (≤ 3600 cm²), qui soit évidemment conforme aux normes européennes en matière de résistance au gel et de sécurité.
- Choisissez des carreaux suffisamment antidérapants (minimum R10). Notez toutefois que les carreaux avec une valeur R plus élevée peuvent être plus difficiles à entretenir. La forme et la structure de la surface praticable ont leur importance.
- Posez les carreaux ‘à joints continus’ si aucune natte de désolidarisation n’est prévue. Cette pose permet d'éviter les fissures dues aux tensions hygrothermiques (température/humidité).
- Dans la mesure du possible, divisez le carrelage en carrés avec de larges joints de dilatation. Laissez en place l'isolation des bords contre tous les éléments fixes du bâtiment jusqu'à la fin des activités de jointoiement et intégrez aussi les systèmes de dilatation nécessaires.
- En cas de pose de carreaux grands formats ou de joints en quinconce, il sera préférable d'utiliser une natte de désolidarisation qui régule la vapeur ou drainante (en fonction de la méthode de pose choisie).
- Veillez à ce que l'eau de pluie puisse s'évacuer à temps et que le débit des évacuations soit suffisant.
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