Comment une mauvaise méthode de collage peut entraîner de nombreux dégâts
Symptômes clairs
Toutes les parties concernées ont été appelées à se réunir pour procéder à une expertise, notamment le propriétaire, l’installateur du chauffage par le sol, le carreleur ainsi que l’expert en parachèvement désigné par le maître d’ouvrage. Dans un premier temps, l’expert a choisi de laisser toutes les personnes présentes raconter leur histoire.
La situation peut être décrite comme suit:
- Les carreaux de sol ont été collés au rez-de-chaussée sur une chape au ciment avec chauffage par le sol.
- Ce carrelage de 150 m² a été réalisé avec des carreaux céramiques 60 x 60 x 1 cm.
- La chape a eu deux mois pour durcir avant la pose du premier carreau. Cette donnée exclut déjà la possibilité que la chape n’était pas ou pas suffisamment sèche avant de passer à la pose des carreaux.
- Le chauffage par le sol a été démarré avant les activités de pose, avant d’être progressivement refroidi pour permettre à la chape de passer par sa phase de dilatation et retrait.
- Les joints de dilatation étaient suffisamment présents et se poursuivaient convenablement dans les ouvertures de porte.
- L’isolation périphérique était encore visible ci et là et présentait une épaisseur suffisante.
- Certains carreaux émettaient des bruits de craquement en marchant. Cela ne s’accompagnait pas toujours d’une dégradation des joints au ciment.
- De nombreux carreaux sonnaient creux en marchant, en particulier en cas de chaussures à talons. Les joints du carrelage arboraient ci et là des microfissures le long des bords des carreaux.
- Lorsqu’on lui a demandé si les carreaux avaient été collés selon la technique du double encollage, le carreleur a répondu par l’affirmative. Cependant, il n’a pas pu confirmer si les stries de colle avaient été comprimées croisées les unes sur les autres.
- Pour la colle à carrelage avait été utilisée une colle C2-S1 recommandée, selon le carreleur, par son fournisseur.
- La technique de pose s’est effectuée avec un maillet de carreleur en caoutchouc, comme c’est normalement le cas pour les travaux de carrelage traditionnels.
Examen visuel
Après avoir entendu toutes les parties et pris les notes nécessaires, l’expert a procédé à un examen local purement visuel et a constaté les anomalies suivantes:
- Environ 75% des carreaux de sol sonnaient creux.
- Surtout dans la cuisine, les carreaux craquaient en marchant.
- Ci et là ont été constatés des joints qui se dégradaient, avec des fissures longitudinales.
- La largeur des joints au ciment était de seulement 2 mm.
- Les joints de dilatation avaient également été réalisés avec une largeur très étroite de maximum 2 mm.
L’expert ayant des doutes quant à la méthode de pose réellement utilisée, il a tout de même décidé de retirer un carreau au hasard afin de contrôler les couches sous-jacentes. Après avoir confirmé que des carreaux de rechange étaient encore disponibles, l’expert a procédé à un contrôle destructif.
Faits
Après le vibrage à faible dégagement de poussière des joints du carrelage – le meulage n’ayant plus cours de nos jours –, l’expert a placé une grande ventouse au centre du carreau dégagé qui, sans nécessiter un marteau ou un burin, s’est détaché d’un simple mouvement. Le résultat était directement visible:
- La méthode du buttering/floating ou double encollage n’avait aucunement été appliquée. Même pas un millimètre de colle à carrelage n’a pu être détecté sur la face de pose du carreau.
- Les stries de colle sur la chape avaient été réalisées de façon très bâclée avec un peigne à colle très petit.
- La forme des stries et canaux de colle était encore parfaitement visible comme si elles avaient été délibérément appliquées pour leur permettre de durcir pour le contrôle.
Causes possibles
Il était évident que le carreleur n’avait pas appliqué la méthode de double encollage et l’on ne pouvait pas non plus savoir clairement si le mortier-colle avait été appliqué sur le support lié au ciment. Cela a conduit à se demander s’il s’agissait d’une faute (de pose) professionnelle pure.
L’expert a demandé au carreleur comment il avait gâché sa colle à carrelage et quelles étaient les conditions climatiques lors de la pose du carrelage. Parce que cela pouvait être une première cause possible.
Il est notamment très important que la température du sol au moment du collage soit d’au moins 5°C, mais aussi de maximum 25 à 30°C pour éviter la ‘combustion’ de la colle à carrelage.
Cette ‘combustion’ du mortier-colle (dans ce cas-ci de la colle en poudre gâchée avec de l’eau) signifie que l’eau de gâchage se retire trop rapidement (par évaporation) du mortier-colle, entraînant un affaiblissement voire même une baisse totale de l’adhérence et de la résistance à la traction.
Une deuxième cause possible du détachement des carreaux pouvait être l’expiration du ‘temps ouvert’ de la colle à carrelage. Le ‘temps ouvert’ d’une colle équivaut au temps entre l’application de cette colle sur le support et la pose du carreau. Lorsque ce temps (de 15 minutes dans la pratique normale, en fonction du type de colle en poudre utilisé) est dépassé, la force adhésive des stries de colle sur les faces exposées aux conditions ambiantes disparaît complètement. Si vous souhaitez ensuite comprimer un carreau dans ces stries, le mortier-colle n’aura alors plus aucune adhérence sur le matériau céramique extrêmement dense, avec toutes les conséquences que cela pourra impliquer.
Une troisième option, formant également selon l’expert l’une des principales causes d’une faible adhérence, concerne la surface de contact obtenue, ce que l’on appelle aussi le 'transfert’ entre le support et la face de pose du carreau. Selon la NIT (Note d’Information Technique) 237 de Buildwise, la masse de colle doit présenter une répartition uniforme à au moins 70%. L’expert a estimé que, dans le cas présent, le transfert de la colle à carrelage était d’environ 55%, et donc clairement insuffisant. Le carreleur n’avait pas réussi à remplir les canaux de colle en raison d’une compression insuffisance tout en faisant glisser les carreaux. Après avoir retiré le carreau, pratiquement tous les canaux de colle entre les stries étaient encore visibles. Là où il n’y avait pas de colle, il y avait donc de l’air. L’air, à son tour, est un isolant, et placer un isolant au-dessus d’un système de chauffage par le sol n’est pas vraiment la meilleure idée qui soit.
Les conclusions de l’expert
Dans le cas présent, le carreleur n’avait rempli aucune des trois conditions énumérées par l’expert. Pire encore, il a avoué plus tard qu’il avait sous-traité la pose du carrelage.
Il va sans dire que ce n’est pas une façon de procéder appropriée. En tant qu’entrepreneur principal, il faut prendre ses responsabilités. Heureusement, il l’a fait. L’entrepreneur-carreleur a promis de recarreler entièrement le sol à ses frais dans les règles de l’art et le respect des bonnes pratiques, c’est-à-dire suivant le double encollage avec des stries de colle parallèles les unes aux autres afin qu’en glissant perpendiculairement les carreaux, la masse de colle puisse se répartir facilement entre la face de pose du carreau et le support. Une date de réalisation des travaux a été fixée sur place à la satisfaction de toutes les parties.
Tout est bien qui finit bien.
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