L’examen destructif, la seule option pour avoir des certitudes
Un troisième avis ne sera généralement sollicité que lorsqu'un problème s’est déjà produit et que les parties n’arrivent pas à s'entendre sur la cause, la solution et la prévention. Tout en jonglant avec des experts qui, dans de nombreux cas, ne s’y connaîtront pas vraiment en carrelages, certains se rabattront simplement et par la force des choses sur la littérature ‘dépareillée’ pour évaluer les travaux de carrelage à leur guise. Mais cela va bien plus loin que cela!
Situation & motifs
Sur un site privé à Bruxelles, nous sommes tombés sur un carrelage céramique fin qui avait été collé sur une nouvelle chape à base de ciment. Selon les informations du maître de l’ouvrage, les carreaux céramiques de 1000 mm x 1000 mm x 3,5 mm (avec un renfort en fibre de verre de ± 0,5 mm d'épaisseur au dos) auraient été collés en 2012 sur un support suffisamment durci.
Après seulement quelques mois de mise en service, les carreaux de sol présentaient de petits cratères visibles à travers la masse du matériau céramique jusqu'au treillis d’armature. Pourtant, la méthode du double encollage aurait été appliquée comme il se doit. Selon les dires du carreleur en question, des stries de colle à carrelage auraient été appliquées de façon rectiligne tant sur le support qu’au dos des carreaux avant d’enfoncer les carreaux en les glissant de façon parallèle. Après avoir observé antérieurement la formation de cratères et de fissures dans le revêtement de sol lors de la première mise en service, plusieurs carreaux auraient déjà été remplacés. Cependant, ce phénomène s'est répété seulement quelques mois après la nouvelle pose.
Il est donc grand temps d'étudier la cause réelle de ce phénomène.
Anomalies visuelles
Après de nombreux échanges de courriels et quelques visites sur place, les différentes parties - à savoir le propriétaire, le fournisseur des carreaux, l'architecte et le carreleur de service - n'ont pas réussi à trouver un terrain d’entente. Il ne restait dès lors qu'une seule solution: faire appel à un expert judiciaire. Voici un rappel des anomalies énumérées:
- La formation de fissures à hauteur de la transition entre le living et la cuisine s’expliquait par l'absence d'un joint de dilatation nécessaire.
- Dans la cuisine, certains carreaux présentaient de petits cratères et trous d'impact en surface causés par la chute d'objets, vraisemblablement une casserole ou un couteau (charge ponctuelle), ce qui a été confirmé par le maître de l’ouvrage durant l’enquête.
- Un cratère a également été constaté à hauteur de porte donnant accès au jardin.
- Après un test de tapotement aléatoire au moyen d’un marteau spécial, les carreaux semblaient en général suffisamment fixés. Aucun son creux notable n'était alors perceptible.
- Les joints des carreaux ne se dégradaient pas, mais de petites fissures capillaires étaient présentes ci et là le long des bords des carreaux.
- Par la suite, un petit trou au centre d’un carreau de la cuisine a été gratté avec un cutter jusqu'au renfort en fibre de verre, ce qui a clairement permis de constater l’absence de colle à carrelage à cet endroit.
Au cours de l'expertise, il a été fait référence à la littérature normalisée la plus récente relative à la pose de carreaux céramiques XL fins, à savoir la norme ISO TR 17870-2 (méthodes d'essai pour carreaux céramiques fins) en préparation et donc pas encore disponible officiellement à ce jour: "ISO test methods for thin ceramic tiles and panels, as well as ISO 13007‑5 dealing with liquid-applied waterproofing membranes for use beneath ceramic tiling bonded with adhesives, are under preparation. For these products to give satisfactory service, they need to be selected and installed competently, and they have to receive appropriate initial treatment, protection, and maintenance."
Examen destructif
Pour contrôler la composition et l'épaisseur des couches sous-jacentes, l'expert judiciaire a fait procéder à un carottage dans le sol au niveau des impacts. Pendant le carottage, un morceau de carreau s’est directement détaché facilement. Sur la chape proprement dite, une texture gaufrée était clairement visible dans le lit de colle durci, indiquant un encollage croisé. Le retrait d'une autre pièce rectangulaire d'un carreau posé a une nouvelle fois confirmé une application croisée en continu du double encollage. La création de poches d'air sous les carreaux a été confirmée, ce qui signifie immédiatement qu’il ne pouvait pas y avoir de colle à carrelage là où de l'air était emprisonné.
Comme seconde source pour étayer le plaidoyer de l'expert judiciaire ont été citées les directives de pose XXL pour carreaux céramiques fins de grand format (en intérieur) de l'EUF (la Fédération européenne des carreleurs), rédigées en collaboration avec l'EITA (European Innovative Tile Academy) il y a environ trois ans. On pouvait lire dans celles-ci: "Pour assurer un contact maximal entre le carreau, la colle et le support (soit 100%), il est conseillé de toujours commencer à tapoter le carreau ou le vibrer à la machine à partir de son centre, puis de l'enfoncer progressivement de façon rectiligne vers l'extérieur. Les stries de colle proprement dites doivent être droites (pas arbitrairement courbées) à la fois sur le carreau et sur la chape et doivent être appliquées parallèlement sur le support. Par conséquent, le carreau ne doit jamais être posé avec des stries de colles croisées pour éviter l'emprisonnement de poches d'air."
Remarque Dossier CSTC 2015/2.11
Étant donné qu’une surface de contact de 100% n’est pas simple à réaliser et que les carreaux XL et XXL céramiques d’une épaisseur de moins de 5 mm sont très sensibles aux dégradations par poinçonnement, ces derniers seront réservés, de préférence, aux revêtements muraux.
Les carreaux XL et XXL dont la face de pose est pourvue d’un renforcement en fibres synthétiques devraient de préférence être encollés à l’aide d’une colle à carrelage de type C2 S2.
Dans ce cas, la méthode de collage appropriée n'a donc pas été appliquée. C'est pourquoi il est toujours nécessaire d'utiliser la technique du double encollage avec des stries de colle parallèles les unes par rapport aux autres pour des carreaux aussi fins (100 cm x 100 cm x 3,5 mm), de manière à ce que les rainures de colle soient complètement remplies de colle à carrelage lors de la pose du carreau par glissement perpendiculaire. Cela permet pratiquement d'éliminer les poches d'air et donc les points faibles sous les carreaux. Le carreleur de service était donc confronté à un véritable problème qui ne pouvait être résolu par quelques réparations. De plus, un dossier publié par le CSTC (Centre Scientifique et Technique de la Construction) renfermait une remarque recommandant d'utiliser les carreaux jusqu'à 5 mm d'épaisseur plutôt au mur qu’au sol. Ce carrelage de sol a donné lieu à une bataille juridique. Non seulement le carreleur, mais aussi l'architecte et le fournisseur de carrelage ont été impliqués dans ce litige.
Morale de cette histoire
Restez au courant de la littérature professionnelle, des directives et des ateliers fournis et organisés sur les sujets d’actualité par le CSTC, la BITA et Polycaro.
Après une dure journée de travail, il peut s’avérer difficile de se libérer le soir ou le samedi pour suivre l'évolution des matériaux et des techniques, mais il vaut vraiment la peine de se pencher de plus près sur les conseils et astuces prodigués par les professeurs-consultants possédant une expérience pratique continue et de ne pas rater le train si rapide de l’innovation!
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