Taches sur des carreaux de granit à l'extérieur : qu'en est-il ?
Nous commençons par un peu de théorie, les connaissances de base nécessaires à tout carreleur professionnel. Après la partie théorique, nous examinons en détail le cas de dommage et proposons des solutions.
Classification géologique
Un matériau sera généralement choisi en fonction de sa destination ou de son champ d'application. C'est également le cas pour la pierre naturelle. Outre l'aspect esthétique, le ‘passeport’ d'une dalle en pierre naturelle s’avère un document pratique pour rechercher les caractéristiques nécessaires.
En se référant aux normes d'essai concernées, une fiche technique constituera un outil utile pour classifier les produits. Ces normes établissent les exigences nécessaires auxquelles les dalles doivent répondre en fonction de leur domaine d'application, définissent les méthodes d'essai et déterminent les tolérances. Afin d'éviter les erreurs et d'établir une distinction claire entre les différents types de dalles en pierre naturelle, leur adéquation est déterminée sur la base des propriétés techniques qu'elles possèdent, lesquelles sont à leur tour démontrées par des méthodes d'essai normalisées.
D'un point de vue géologique, on peut distinguer 3 catégories suivant:
- l'identification: il est important d'identifier le caractère du matériau brut.
- les performances à l’usage: évaluer les performances du matériau une fois posé en tant que produit fini.
- la durabilité: prévoir le comportement de l'élément en pierre au fil du temps et sa stabilité par rapport à ses propriétés initiales.
1. Roches magmatiques ou roches ignées
Ces roches sont le fruit de la solidification d'une roche liquide (la lave) et peuvent à leur tour être subdivisées en 3 types:
- Les roches volcaniques effusives, qui se sont durcies (refroidissement et solidification) à la surface de la terre (le magma remonte de l'intérieur de la croûte terrestre). Comme par exemple le basalte, la pierre ponce, etc.
- Les roches semi-intrusives qui se sont durcies en se cassant et en se fendant. Comme par exemple le porphyre, la diorite, etc.
- Les roches intrusives, qui se sont progressivement refroidies sous une pression constante dans les profondeurs de la terre. Comme le granit, par exemple...
2. Roches sédimentaires
Ces roches se sont formées par sédimentation ou dépôt de matériaux détritiques, provenant des roches magmatiques, entraînés par l’eau à la surface de la terre. Comme par exemple, notre propre "Petit Granit" (la pierre bleue belge), la pierre blanche française, le grès, le travertin, etc.
3. Les roches métamorphiques
Ces roches se sont formées par la transformation de roches sédimentaires, roches magmatiques et autres roches métamorphiques à température et/ou pression élevées, comme dans une formation montagneuse. Le marbre, le quartzite, le schiste, le gneiss, etc., en sont quelques exemples.
Finition de la pierre
La pierre naturelle peut subir divers traitements de surface, qui influeront fortement son aspect final. La finition poli, par exemple, rendra généralement les couleurs plus foncées et plus intenses, tandis que la finition flammé apportera une nuance de couleur apaisante.
Le choix du traitement de surface dépendra fortement de la nature et des contraintes d’utilisation du matériau lui-même.
Bref résumé des finitions classiques:
- Finitions lisses: poli - adouci - poncé
- Finitions rugueuses: scié - sablé - flammé
- Finitions spéciales: bouchardé ou martelé - bouchardé à l’ancienne - givré à l’ancienne
La pierre naturelle est quoi qu’il en soit unique! Même si le bloc a été extrait de la même carrière, les tranches ou les dalles ne seront jamais identiques. Les dalles de pierre naturelle revêtent un aspect à la fois fonctionnel et décoratif. Grâce à leurs propriétés mécaniques, minéralogiques et microstructurelles, leurs champs d'application sont très vastes. Le caractère de la pierre doit toujours être lié à l'espace et à l'environnement dans lesquels elle devra être posée.
Certaines finitions ne pourront pas être appliquées à certaines variétés de pierres naturelles. Le finition bouchardé fin sera difficile voire impossible à obtenir sur certaines variétés de granit par exemple, tandis que la finition poli est pratiquement impossible pour certaines pierres calcaires.
Les contraintes susceptibles d’endommager un sol principalement destiné à un espace résidentiel ou à la circulation des personnes peuvent être subdivisées en trois catégories: les contraintes mécaniques, les contraintes thermiques et les contraintes physico-chimiques résultant d'un contact éventuel avec diverses substances agressives.
Litige récent concernant des dalles de terrasse en pierre naturelle
La terrasse de jardin d’un particulier avait été carrelée avec une petite centaine de m² de granit chinois en format 60/60/3. Moins d'un an après la pose, deux types de taches pouvaient être constatées sur le dallage, des taches semblant être apparues progressivement d'elles-mêmes. Après un échange de courriers électroniques entre le client et le fournisseur ainsi que l’entrepreneur ayant réalisé les travaux de carrelage, il n'était pas possible de déterminer la cause de ce phénomène. Et en l'absence d'un consensus entre les parties, il a fallu recourir à une ‘expertise amiable’.
D'après les informations précédentes des propriétaires et les réponses du carreleur en service, le support aurait été constitué d'une couche de terre suffisamment épaisse et drainante, mais aucune structure détaillée ne pouvait ici être spécifiée. Le carreleur a confirmé avoir respecté pour la pente de la terrasse une pente moyenne de ± 1% (1 cm/mc). Le traitement de surface des dalles de pierre naturelle concernées, à savoir flammé et brossé, requiert plutôt une pente de 1,5 à 2%. Une nécessité que confirme le dossier du CSTC-Contact 23-3/2009 intitulé ‘Rives de terrasses extérieures carrelées sur terre-plein 2009/03.11’. Dans lequel, on peut lire ceci: "Les pentes conseillées sont de l'ordre de 1,5% pour le revêtement carrelé et de 2% pour la dalle de béton qui lui sert de support, sauf lorsque celle-ci est constituée d'un béton caverneux drainant (ce qui est toujours à conseiller)."
Sur la base d'autres informations fournies oralement, parmi lesquelles des efflorescences explicites dans et autour des joints, l'expert désigné a déjà pu déduire que le carreleur avait peut-être omis plusieurs points d’attention importants. Cependant, aucune explication n'a pu être trouvée pour la mystérieuse formation de taches verdâtres dans les dalles proprement dites.
Le moment était donc venu de réellement mettre plusieurs experts à l’ouvrage afin de déterminer les liens de causalité, de déterminer de quelles couches se composait réellement la structure du sol extérieur et, si cela s’avérait encore applicable, de définir les possibilités de réparation.
Visite du chantier avec les différentes parties
Le prélèvement d'échantillons (par carottage) n'avait pas été autorisé par le propriétaire au moment de l'examen, ce qui ne facilitait pas le travail de l'expert. Néanmoins, la terrasse a été examinée et la cause des taches a été recherchée. Une dalle a été retirée à un angle, certes avec l'autorisation explicite du maître de l’ouvrage, afin de tout de même pouvoir se faire une idée de la méthode de pose et de la surface de contact entre le dos de la dalle et le support.
Immédiatement, 3 observations très claires :
- À hauteur des parties de mur fixes, les joints avaient été colmatés avec un mastic élastique, mais sous ce silicone, les dalles étaient bloquées contre les murs par des résidus de mortier.
- Les joints de dilatation nécessaires, notamment tous les 16 m² au minimum, tous les 4 mètres courants au maximum ainsi qu’aux angles du bâtiment faisaient totalement défaut.
- En principe, on aurait également dû tenir compte du rapport longueur/largeur, ce qui n'était pas le cas non plus.
Le CSTC-Contact 2013/2 stipule clairement au chapitre ‘Fissuration des revêtements de sol extérieurs en carreaux céramiques ou en pierre naturelle’: "Lorsque le revêtement et la chape de pose sont subdivisés par des joints de dilatation délimitant des panneaux de petites surfaces (généralement 15 à 16 m²), que la chape est suffisamment armée et qu'elle peut glisser sans trop de friction sur son support, ces tensions ne sont alors pas suffisamment élevées que pour occasionner une fissuration notable du revêtement."
Le son creux d'une grande partie des dalles (surtout sur les rives extérieurs et jointives à la pelouse), accompagné d'une dégradation des joints du dallage, indiquait déjà la désolidarisation des zones de rive.
De plus, même si les dalles de la terrasse étaient encore humides en raison de légères pluies, on pouvait constater des efflorescences salines blanchâtres tant dans les dalles elles-mêmes que sur les bords des joints, en particulier sur les margelles du plan d’eau.
Examen destructif
Le phénomène verdâtre bizarre à la surface de certaines dalles faisait tout d’abord penser aux phénomènes suivants:
- Une tache ressemblant à de la malachite. Normalement, il s'agit d'un phénomène naturel (carbonate de cuivre) propre à la pierre, qui s'accentue par oxydation.
- Il aurait aussi pu s'agir d'une réaction des impuretés directement sous le carrelage consécutives à l’utilisation de sable pollué non-lavé, ou d'une réaction avec du ciment.
En outre, l'expert voulait étudier ce qui pouvait se passer sous les dalles. Une dalle sonnant creux à l’angle de la terrasse a pu être soulevée pratiquement à la main. Plus logiquement, cette faible cohésion est à la base des tensions de cisaillement entre la dalle et l’adhésif.
Les dalles foncées absorbent en effet beaucoup plus de chaleur quand elles sont exposées au soleil que les pierres naturelles de couleur claire, ce qui influence fortement la capacité de dilatation de ce type de pierre naturelle. L'expert a indiqué que les coefficients de dilatation différents des couches de structure non-dilatées provoquent des forces de cisaillement inégales entre elles, ce qui entraîne un tel phénomène de détachement.
En examinant de plus près la dalle de granit retirée, les anomalies suivantes ont été constatées:
- Il y avait beaucoup d'humidité résiduelle tant au cœur de la masse de mortier qu’à hauteur, surtout, des bords.
- On pouvait affirmer avec 100% de certitude qu’aucun ciment blanc n'avait été utilisé, ni dans la chape ni dans le lit de mortier, ce qui, malgré la compacité relative de la pierre, a permis d'établir un premier lien de cause à effet avec les taches.
- Il y avait des cavités considérables dans le lit de pose, ce qui indiquait une pose en plein défaillante, d'où une possible condensation dans les cratères lors des fluctuations de température. Cela pourrait expliquer les efflorescences allongées.
- Les extrémités/bords de la terrasse avaient été enduits de mortier gris, de façon directement jointive à la pelouse, sans bordure antigel ou finition des bords similaire!
- En outre, aucun système de drainage ni bordure(s) antigel n'avait été prévu autour de la terrasse, de sorte que l'eau de pluie ne pouvait s'écouler que dans l'herbe.
Conclusion de l'expert
Bien qu'on aurait pu partir du principe que les couches de structure sous-jacentes du dallage avaient été réalisées conformément aux prescriptions à lire dans les NIT et Dossiers du CSTC concernés, en particulier celles relatives aux épaisseurs de couche, au type de sable, à la granulométrie des granulats, au type de ciment, à l’armature et au type d'armature, à la résistance à la compression (cf. Densité) à respecter, la technique de pose utilisée a tout de même été remise en question, sous réserve d’un examen destructif complémentaire.
Vu qu'aucun joint de dilatation n'était présent (même l'isolation périphérique faisait défaut!), qu'aucun ciment blanc n'avait été utilisé, ni dans la chape ni dans le mortier de pose, et que les dalles de pierre naturelle avaient été posées de manière insuffisamment pleine et saturée, compte tenu de l’enlèvement très facile d'une dalle choisie par le carreleur lui-même, on pouvait considérer que la pose n'avait pas été réalisée dans les règles de l'art ni conformément aux règles déontologiques du métier.
En outre, l’avertissement de désolidarisation était très clair en raison des joints déjà en train de se dégrader et présentant des dépôts de chaux, ainsi qu’en raison des sons creux clairement audibles sous les dalles. Une affirmation également étayée par le fait que la terrasse présentait une pente trop faible, ce qui stimulait l'infiltration d'eau le long des joints et des bords des carreaux et qu'aucune mesure n'avait été prise pour assurer une évacuation continue de l'eau de pluie.
Selon l'expert, les taches aléatoires dans les dalles de pierre naturelle elles-mêmes étaient, d’une part, inhérentes à ce type de granit, mais pouvaient, d'autre part, être purement la conséquence, dans le cas présent, des couches sous-jacentes polluées.
Les cavités dans le mortier durci peuvent emprisonner de la condensation sous les dalles, qui peut geler (se dilater) en hiver et se muer en vapeur sous pression en été, avec toutes les conséquences que cela peut impliquer: la dégradation de l’ensemble du sol de terrasse, même à court terme!
Autre préoccupation de l'expert: en plus du marquage CE, une attestation DoP (Déclaration de Performance) aurait dû être produite. Conformément au Règlement européen ‘Produits de Construction’, l'industrie de l’approvisionnement (fabricants, importateurs et distributeurs) est obligée, depuis le 1er juillet 2013, de fournir une telle déclaration de performance. Cette attestation fournit des informations sur les principales performances du produit et son utilisation prévue. Cette déclaration de performance prouve que le produit satisfait aux performances requises pour des applications spécifiques lors de son lancement sur le marché et de sa distribution ultérieure. Cela s’avère tout aussi important pour la responsabilité du producteur.
Morale de l'histoire: "Réfléchissez avant de commencer!" Librement traduit: "Au moindre doute, informez-vous, consultez les directives disponibles, suivez régulièrement des formations complémentaires.
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